François Lopinat · organiste
Organisteries
Trônant majestueusement sur les tribunes de nos églises, l’orgue est un instrument aux multiples facettes : soliste, accompagnateur, créateur d’ambiances et vecteur d’émotions… Il est acteur invisible de nos célébrations sous les doigts des organistes paroissiaux qui doivent à la fois maîtriser leur instrument et la liturgie.
« Orgue, instrument sacré, entonne la louange de Dieu notre créateur et notre Père »1
La liturgie est un moment où tous les acteurs doivent agir main dans la main pour que l’ensemble forme une unité servant la louange de Dieu. Il est donc fondamental que l’orgue réponde parfaitement au contexte dans lequel il intervient. Ainsi, l’organiste se voit être toujours dans la recherche de répertoire qui convienne à la fois au temps et à l’action liturgiques. Il est intéressant de voir l’évolution historique de la liturgie à travers le répertoire d’orgue. En effet, on trouve par exemple chez François Couperin (1668-1733) des offertoires de presque dix minutes, d’un style très grandiloquant sur les jeux de trompettes et de clairon. Cela nous paraît aujourd’hui insensé et mal à propos de jouer une telle pièce pendant la préparation des dons. Cela s’explique pourtant : une grande procession des fidèles (avec légumes, poulets et autres cierges) suivie d’offrandes et de prières sotto voce au maître-autel devaient être accompagné musicalement. Progressivement la musique d’orgue a remplacé l’offertoire grégorien afin de fournir une nouvelle « pièce d’entrée » à la célébration : celle de la liturgie eucharistique. A travers cet exemple, il est donc très intéressant de comprendre que la plupart de la musique liturgique pour orgue a été écrite pour répondre à une demande liturgique spécifique. Ainsi, l’orgue fait plus que jouer, il colle à l’action liturgique pour en faire ressortir les beautés et mettre en valeur les points forts.
« Orgue, instrument sacré, élève nos chants et nos supplications vers Marie, la mère de Jésus »
L’orgue est également l’instrument d’accompagnement par excellence. Par la palette de couleurs et de timbres différents en sa possession, l’organiste peut, au gré des envies et du contexte, soutenir le chant choral et le chant d’assemblée pour parvenir à une harmonie parfaite. Rares sont les instruments autres que l’orgue qui puissent à la fois être aussi discrets qu’une petite flûte et aussi puissant qu’un ensemble de trompettes ! Les chanteurs doivent se sentir portés, encouragés, entraînés dans la musique par le jeu de l’orgue. La tradition musicale française – en particulier celle de Notre Dame de Paris – est encore un témoin actuel de la communion musicale entre un chœur, une assemblée et deux orgues (à la tribune et au chœur). L’importance d’une participation de l’assemblée est fondamentale, et l’orgue y contribue en fournissant le terreau dans lequel germe la musique d’ensemble.
« Orgue, instrument sacré, fait entrer l’assemblée des fidèles dans l’action de grâce du Christ »
On connait l’adage « la musique adoucit les mœurs ». Rien de tel qu’un orgue pour traduire des sentiments et des émotions musicalement. La palette sonore de l’instrument permet d’aller des sons les plus harmonieux au sons les plus intrigants. L’orgue est souvent utilisé pour imiter d’autres instruments : on le connaît pour prendre la place de l’orchestre (déjà au temps de Rameau qui retranscrivait lui-même ses opéras pour les jouer à l’orgue) mais aussi pour entrer dans des atmosphères (comme par exemple dans le Champs des fleurs de J.-L. Florentz, où l’orgue essaie d’imiter le bruit d’un moteur de Boeing). Ainsi, l’orgue est aussi un « faiseur d’atmosphères » qui permet, une fois de plus, d’habiter la liturgie de manière à mettre en valeur les émotions qui s’en dégagent.
Le travail minutieux de l’organiste, bien trop souvent minimisé, prend alors tout son sens lorsqu’à la fin d’une célébration, ayant pallié tout imprévu, les fidèles sortent le sourire aux lèvres et la joie dans les cœurs. Merci Seigneur pour le don de la musique et du chant.
François Lopinat
1.Invocations issues du rite de bénédiction d’un nouvel orgue.