Qu’est-ce qu’une année sainte, un jubilé ? Un peu d’histoire…
Dans l’Ancien Testament, c’est le livre du Lévitique qui nous parle des jubilés : « Vous ferez de la cinquantième année une année sainte et vous proclamerez la libération […] ce sera pour vous un jubilé ».[1] Le jubilé est essentiellement un temps de libération qui correspond à la libération physique de la sortie d’Egypte par Moïse. La première étape vers la libération est de reconnaître le besoin du salut et donc de commencer par regarder notre pauvreté humaine : nos misères, nos jalousies, nos enfermements. Depuis le Moyen-Âge, l’Eglise a fêté ces jubilés ordinaires d’abord tous les 50 ans, puis tous les 25 ans.[2]
Pour l’année sainte, le pape François nous a invité à « ranimer l’espérance ». Par sa bulle Spes non confundit (l’espérance ne déçoit pas), il nous a invités à lever les yeux vers le ciel en gardant les pieds sur terre. Enracinés dans la conviction que rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ, nous pourrons devenir des signes d’espérance pour notre monde.
Sur l’invitation du pape, de nombreux pèlerins se rassemblent à Rome pour franchir une porte sainte, pour se recueillir sur la tombe des apôtres Pierre et Paul, pour renouveler leur foi, leur espérance et leur charité. Il est aussi possible de faire un pèlerinage ailleurs qu’à Rome. Chaque diocèse a choisi des églises, chapelles ou monastères comme lieu de pèlerinage.
En plus de la cathédrale de Soleure, dix églises ou chapelles (une par canton) de notre diocèse de Bâle sont désignées en tant que lieux de pèlerinage pour accueillir les personnes qui souhaitent accomplir une démarche particulière durant l'année sainte.
St. Ursen-Kathedrale in Solothurn, SO
Basilica minor, Kloster und Wallfahrtskirche in Mariastein, SO
Basilica minor, Pfarrkirche Dreifaltigkeit in Bern, BE
Chapelle du Vorbourg à Delémont, JU
Pfarrkirche St. Anton in Basel, BS
Pfarrkirche hl. Jean-Marie Vianney Pfarrer von Ars in Muttenz, BL
Pfarr und Stadtkirche Maria Himmelfahrt in Baden, AG
Pfarrkirche St. Maria in Schaffhausen, SH
Klosterkirche St. Johannes der Täufer und Johannes der Evangelist in Fischingen, TG
Pfarrkirche Gut Hirt in Zug, ZG
Stiftskirche St. Michael in Beromünster, LU
Abbé Antoine Dubosson
[1] Lv 25,10.
[2] Sub Signo Martini, n0 85, décembre 2024, p. 12 et 13.
L’année sainte : ouvrez vos cœurs !
Cf : Sub Signo Martini, n0 86, mars 2025, p. 1
L’année jubilaire est une invitation à ouvrir nos cœurs à la miséricorde divine, mais aussi à la recevoir pour nous-mêmes et à la déployer autour de nous. Tout commence donc par une pratique renouvelée du sacrement de la réconciliation (sacrement du Pardon ou confession).
Dans ce sacrement, nous croyons que Dieu nous réconcilie pleinement avec lui par la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Notre péché est entièrement effacé, car le pardon divin n’a pas de limites. Une fois pardonnés, ne nous enfermons pas dans des remords ou une culpabilité morbide !
Portant, nous savons bien que les conséquences du péché laissent des traces. Même pardonnés, nous portons encore en nous des habitudes et des comportements qui demandent à être purifiés. Cela nécessite un chemin de conversion intérieure. L’indulgence vient compléter ce chemin de conversion et de libération.
Le pape François écrit : « Quand nous percevons la puissance de la grâce qui nous transforme, nous faisons l’expérience de la force du péché qui nous conditionne. Malgré le pardon, notre vie est marquée par les contradictions qui sont les conséquences de nos péchés. La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Epouse du Christ [l’Eglise] et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché. »
Pape François, Bulle d’indiction de l’année sainte – Misericordiae Vultus – 11 avril 2015, no 23.
L’indulgence n’est pas une sorte de « bonus spirituel », mais une véritable grâce qui vient alléger notre marche. Elle purifie en profondeur les conséquences de nos fautes pour nous permettre de reprendre la route avec un cœur libre et ouvert à la charité.
Se convertir à la miséricorde n’est donc pas seulement un acte ponctuel, mais c’est un véritable parcours qui demande prière, persévérance et confiance dans la bonté infinie de Dieu. En cette année jubilaire, ne restons pas dans les bonnes intentions, mais avançons au large : plongeons dans les profondeurs de la miséricorde divine, laissons-nous transformer par la grâce et remercions le Seigneur pour sa bonté infinie !
Abbé Antoine Dubosson
L’indulgence jubilaire
Aux jubilés ont toujours été rattachées des indulgences qui expriment la plénitude du pardon de Dieu. En effet, si la confession remet la « peine éternelle » du péché et rétablit la communion avec Dieu, il reste une « peine temporelle », attachement malsain dû au péché. C’est cette peine temporelle que l’Eglise, en tant que dispensatrice de la rédemption, veut remettre par l’indulgence.
Bien que pardonné, il reste les « pots cassés ». Le pardon divin nous libère définitivement de nos fautes, mais celles-ci ont eu des conséquences négatives en nous et autour de nous. Le prêtre nous demande de faire une pénitence pour réparer ce désordre. Le cas normal est de réparer soi-même le tort causé. Par exemple : rendre ce que nous avons volé.
Dans les cas où nous ne pouvons pas réparer nous-mêmes les torts causés, l’Eglise propose l’indulgence. Il revient à l’Eglise de régler la distribution des indulgences de Dieu, car c’est une de ses missions sur la terre. En effet, Jésus a donné cette tâche à saint Pierre et à ses successeurs : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : quoi que tu lies sur la terre sera lié dans les cieux ; quoi que tu délies sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16,19)
La réparation peut être rapide ou lente en fonction des dommages causés et en fonction de notre zèle à réparer. Certaines personnes meurent en amis de Dieu, pardonnées de leurs fautes passées, mais sans avoir réparé entièrement les dégâts de leurs fautes. Celle-ci continuent leur travail de purification au Purgatoire. Elles aussi peuvent être aidées : l’indulgence peut être reçue pour nous ou nous pouvons l’offrir pour les défunts !
Une indulgence s’obtient à trois conditions : recevoir le sacrement de la réconciliation ; participer à une messe et recevoir la communion ; prier aux intentions du pape, c’est-à-dire : vivre un temps de méditation conclu par un « Je crois en Dieu », un « Notre Père » et un « Je vous salue Marie ».
L’indulgence jubilaire est proposée à tout fidèle qui accomplit ces trois actions lors d’un pèlerinage auprès d’un lieu lié au jubilé. Si un pèlerinage n’est pas possible, le fidèle peut faire une visite à des personnes dans la nécessité ou en difficulté. Il peut aussi faire un jeûne, une privation particulière, un geste de partage ou consacrer du temps à des activités au profit du prochain.
Cf. Catéchisme de l’Eglise catholique no 1471-1479
Les portes saintes
Qui dit « année sainte » ou « année jubilaire » dit « portes saintes ». Les portes saintes sont des portes scellées qui ne s'ouvrent que pendant les années jubilaires, soit tous les 25 ans. L'ouverture de ces portes marque le début des années jubilaires. Elles se trouvent dans les quatre basiliques papales de Rome : Saint-Pierre au Vatican, Saint-Jean-de-Latran, Saint-Paul-hors-les-Murs et Sainte-Marie-Majeure.
La tradition d'ouvrir les portes saintes remonte à 1423, initiée par le pape Martin V à Saint-Jean-de-Latran. En 1300, le pape Boniface VIII a décidé d'organiser des jubilés tous les 25 ans.
Les portes saintes nous font penser à celles du Paradis, c’est-à-dire l’entrée dans la vie éternelle qui est l’objet de l’espérance des croyants. Les portes sont un signe qui renvoie également aux douze portes de la cité céleste dont parle l’Apocalypse.[1] Elles sont aussi l’image concrète dans notre quotidien de l’image que Jésus lui-même s’applique dans l’Evangile : « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ! »[2]
Les portes sont évidemment un symbole d’accueil lorsqu’elles sont ouvertes, mais elles peuvent également être fermées. Rappelons-nous la parabole des dix jeunes filles qui représentent les Chrétiens attendant le retour du Christ. Cinq d’entre elles étaient sottes, endormies, désorganisées et ont manqué l’arrivée de l’époux se retrouvant derrière la porte fermée.[3]
Les portes saintes sont des symboles de renouveau et de pardon. Pour le pèlerin, passer par une porte sainte signifie professer que Jésus-Christ est le Seigneur. En passant la porte, le croyant demande au Seigneur que sa foi soit raffermie pour qu’il puisse vivre de la vie nouvelle qu’il a donnée aux êtres humains. En ce sens, les portes saintes sont des portails sacrés qui symbolisent le passage du péché à la grâce.
Abbé Antoine Dubosson
[1] Cf. Ap 21,12.
[2] Jn 10,9.
[3] Cf. Mt 25,1-13.