Les chrétiens d'Orient raconté par Christian Eeckhout
Au soir du lundi 8 avril, c’est vêtu de l’habit blanc des dominicains, que Christian Eeckhout est arrivé au Centre Saint-François, à Delémont, pour animer une conférence intitulée « Chrétiens d’Orient, le berceau de la foi ». C’est que ce prêtre belge, professeur émérite à l’école biblique et théologique de Jérusalem, est dans le Jura à l’invitation de l’Unité pastorale des Franches-Montagne où il présente, jusqu’au 14 avril, une exposition de photos anciennes sur les chrétiens de Terre sainte aux salles paroissiales de Saignelégier.
« On commence à l’heure suisse ? » demande - avec un grand sourire - Christian Eeckhout alors que 20 heures sonnent au clocher de l’église Saint-Marcel. C’est donc par l’éclat de rire de la cinquantaine de personnes présentes ce lundi soir, au Centre Saint-François à Delémont, que le père dominicain a entamé son historique des communautés chrétiennes du Proche et Moyen-Orient, présentes sur les territoires actuels de la Syrie, du Liban, de l’Egypte, de la Jordanie, de l’Irak, des Territoires palestiniens et d'Israël. Il a été question des premiers lieux de culte, des liturgies, des convergences et des spécificités des différentes « branches » qui ont vu le jour dans ce « berceau de la foi » tour à tour romain, byzantin, musulman, ottoman, convoité par l'Occident, confronté aujourd’hui – selon les régions – à des mouvements nationalistes arabes ou à une théocratie dictatoriale.
Au fil des siècles
D’une voix posée, Christian Eeckhout remonte le temps et conjugue l’histoire de manière captivante : « Les Eglises orientales ont l’âge du christianisme. C’est en effet en Orient – à Jérusalem – que l’Eglise est née, et c’est depuis l’Orient qu’elle s’est étendue à tout l’Empire. L’Orient dont il est question s’étend de l’Euphrate au Nil, recouvrant les actuels Syrie, Liban, Egypte, Jordanie, Irak et Palestine ». L’historien se réfère à quelques mots qu’il a écrits sur un tableau pour résumer les grandes étapes de ces 2000 ans de christianisme. Ainsi, à l’entendre, l’époque des apôtres et des patriarcats précède le temps des disputes théologiques et des conciles. « C’est à l’occasion de la grande scission de 1054, baptisée schisme d’Orient, que les Latins prirent le nom de catholiques et les Grecs celui d’orthodoxes ». Des Chaldéens aux Anglicans, en passant par les Ethiopiens, les Maronites ou les Luthériens, Christian Eeckhout a brillamment synthétisé les grands chapitres du christianisme : son installation comme religion d’Etat ; les conciles fondateurs, la conquête musulmane, l’essor des missions catholiques et protestantes, le renouveau des XXe et XXIe siècles.
Le Père dominicain a également souligné la vitalité actuelle des communautés chrétiennes du monde arabe, bousculée par les drames de l'actualité. « Au début du XXe siècle, les chrétiens comptaient pour plus de 20% de la population du Moyen-Orient, ils sont aujourd’hui moins de 3%. Les causes de l’émigration furent longtemps économiques, mais aujourd’hui l’ampleur des mouvements et sa nature sont inquiétantes et posent la question de la diversité du monde arabe».
Au moment où Christian Eeckhout achève son exposé, 21 heures sonnent au clocher de Saint-Marcel, « Pile à l’heure, c’est la ponctualité suisse ! » fait-il remarquer, ce qui provoque, une nouvelle fois, un éclat de rire de l’assistance.
Sans langue de bois
Quand on l’interroge sur la situation des chrétiens en Israël, le dominicain soupire : « On connaitra dans deux jours le résultat des élections législatives… quoi qu’il en soit, rien n’est simple en Israël. Au Parlement, on y parle et on y ment… (une remarque saluée par une salve d’applaudissements). Mais il y a une femme courageuse parmi les 120 députés de la Knesset, le Parlement israélien, Mme Aïda Touma-Suleiman. Cette chrétienne de Nazareth, membre d’un parti juif, se bat avec ses « fidèles », contre la poursuite de l’occupation, contre l’installation des colonies et contre l’oppression des femmes : ce sont les trois combats de ces femmes de Nazareth qui s’engagent en politique. Il y a bien d’autres parlementaires chrétiens ou musulmans au Parlement, mais ils sont très minoritaires. Ils ne « pèsent » pas lourd, mais ils peuvent au moins s’exprimer. Il faut savoir qu’il n’y a que 2% de chrétiens en Israël… et à peine 1% en Palestine ».
De manière très libre, le Père Eeckhout condamne certaines règles appliquées par Israël : « Lorsqu’un enfant n’est pas reconnu ou abandonné après la naissance, les autorités israéliennes considèrent qu’il est musulman. C’est systématique et injuste. C’est comme le numéro des passeports israéliens qui commence systématiquement par un « 2 » pour spécifier que son propriétaire n’est pas juif. Ces façons de faire démontrent qu’Israël n’est pas une démocratie, mais bien une théocratie dictatoriale ».
Les propos critiques du prêtre dominicain font écho à la formule qui veut « qu’Israël est un Etat démocratique pour les juifs, mais un Etat juif pour les non-juifs ». Avant de conclure la soirée, Christian Eeckhout livre une ultime remarque : « Les chrétiens en Israël sont souvent un pont - ou servent de tampon - entre les juifs et les musulmans, sachant qu’ils sont vus comme des Arabes par les Israéliens et considérés comme des Occidentaux par les Palestiniens ».
Pascal Tissier
Origines des Eglise d'Orient
Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Graphique publié par l'Œuvre d'Orient
Les chrétiens au Proche-Orient (2017)
Cliquez sur l'image pour l'agrandir - Carte publiée dans La Croix le 5 juillet 2017
"Les Explorateurs de la Bible"
Les dominicains de l'École biblique en BD
Au Centre Saint-François, Christian Eeckhout a présenté la BD "Les Explorateurs de la Bible" dans laquelle il apparait...
À l’occasion des 800 ans de l’Ordre dominicain et des 125 ans de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, les frères prêcheurs ont collaboré à la réalisation d’un ouvrage qui sort de l’ordinaire : une bande dessinée !
Envoyé en Terre Sainte par le Vatican, le chercheur Christopher Wertmann doit tenter de retrouver le trésor du Temple avec l’aide de l'École biblique et archéologique française (EBAF) de Jérusalem. Cette découverte serait potentiellement l'une des plus importantes de l’histoire de l’humanité. Cependant, le chercheur et ses collaborateurs ne sont pas les seuls sur la piste du trésor...
C’est ainsi que la bande dessinée Les explorateurs de la Bible nous plonge dans un univers digne d’Indiana Jones, où se mêlent services secrets du Vatican, Mossad israélien, et chercheurs dominicains de l’École Biblique.
Avec ses nombreuses références historiques et archéologiques, le récit laisse transparaître l’attachement des dominicains à la précision et à la documentation. Mais l’histoire racontée est pourtant bien une fiction !
Aidés notamment par le père Émile Puech et le dominicain Christian Eeckhout, professeurs à l’EBAF, Arnaud Delalande, Yvon Bertorello et Alessio Lapo signent un thriller bien ficelé à la découverte des mystères de la Bible. Un ouvrage qui marque le coup à l’occasion des 800 ans de l’Ordre dominicain et des 125 ans de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem.
Arnaud Delalande, Yvon Bertorello, Alessio Lapo Les Explorateurs de la Bible : “Le Manuscrit de Sokoka”, Glénat, 52 pages
par Terresainte.net