11 juin: la Fête-Dieu de Fribourg à "La Télé"
Article de Grégory Roth sur Cath.ch
Tradition oblige, la Fête-Dieu sera fêtée à Fribourg comme prévu, le jeudi 11 juin 2020, mais à la maison, à travers l’écran. La Fête-Dieu sera retransmise sur la chaîne La Télé Vaud Fribourg, confirme les organisateurs.
«Virus ou non, nous ne pouvons pas ‘annuler’ la Fête-Dieu… comme on ne peut pas non plus annuler Pâques», clarifie d’emblée François Eugster, président du Comité des Solennités religieuses de Fribourg. «Dans les circonstances actuelles, il est impossible de rassembler qui que ce soit».
Avec la cinquantaine de mouvements, groupements et personnes impliquées habituellement, tant politiques que religieuses, François Eugster le sait bien: il est impensable de faire une exception aux normes sanitaires en vigueur. Sinon c’est l’ouverture assurée de la boîte de Pandore… et d’une nouvelle propagation de Covid-19. Tout le monde devra donc rester chez soi.
Hasard du calendrier, cette manifestation religieuse sera une première à avoir lieu après le 8 juin, annoncée par le Conseil fédéral comme la date de reprise probable de la célébration publique d’offices religieux.
«La messe solennelle se tiendra dans une église de la commune de Fribourg, avec l’évêque». Et le coordinateur de Fête-Dieu de préciser: «La liturgie sera assumée par le petit nombre de personnes que nous serons autorisés à réunir pour l’occasion.
Une fête qui remonte au 13e siècle
«Contrairement à Noël, Pâques, l’Ascension, Pentecôte ou d’autres célébrations, par lesquelles la descendance spirituelle du Fils de Dieu accorde le rythme de sa propre existence ici-bas aux moments-clefs de Son passage sur terre, le Fête-Dieu n’a pas germé directement dans le terreau de l’Ecriture; elle ne rejoue aucun événement de la vie de Jésus. Insérée dans le cycle annuel du temps chrétien plus de douze siècles après la Cène et la résurrection du Verbe incarné, elle le fut comme on greffe un jeune surgeon sur une souche vénérable, escomptant lui rendre par là son antique vigueur.» (L’Etat de Ciel / La Fête-Dieu de Fribourg, Claude Macherel et Jean Steinauer, éditions Méandre, 1989)
C’est en grande partie à Julienne, de Cornillon en Belgique, que l’on doit la Fête-Dieu. A partir de 1209, elle eut de fréquentes visions mystiques. Une vision revient à plusieurs reprises, lorsqu’elle entre en oraison. Elle voit une lune échancrée, c’est-à-dire rayonnante de lumière, mais incomplète, une bande noire la divisant en deux parties égales.
Elle y vit une révélation. «La lune signifie l’Eglise de son temps, et l’échancrure, l’absence d’une fête particulière au saint Sacrement, qui donnerait au peuple chrétien l’occasion de protester en faveur de sa foi et de réparer, par des hommages publics, toutes les irrévérences et les profanations des indévots. En même temps, Dieu ordonne à Julienne de mettre en œuvre et de faire connaître au monde Ses volontés.» (Les fêtes chrétiennes, par l’abbé Pradier, 1891)
Sainte Julienne fut aidée dans son entreprise par la Bienheureuse Eve de Liège, recluse. Les démarches durèrent près de deux décennies.
En 1222, elle fut élue Mère prieure du Mont-Cornillon et demanda conseil à d’éminentes personnalités de l’époque, tels que Jean de Lausanne, chanoine de Saint Martin, Jacques Pantaléon, archidiacre de Liège et le futur pape Urbain IV, Guy, évêque de Cambrai, et aussi des théologiens dominicains, dont Hugues de Saint Cher.
Un décret synodal sans suite
En 1246, Robert de Torote, prince-évêque de Liège, «établit par décret synodal que chaque année, le jeudi après le Trinité, toutes les églises de son diocèse» célébreront désormais «avec abstention des travaux serviles et jeûne préparatoire, une fête solennelle en l’honneur du mystère eucharistique». Mais la Fête-Dieu, à peine instituée à la petite échelle de ce diocèse, est en butte aux embûches. Robert de Torote meurt peu après sa décision. Son décret reste pratiquement lettre morte.
Les bourgeois de Liège s’opposaient à la fête car cela signifiait un jour de jeûne en plus pour la population et certains religieux considéraient que telle fête ne méritait pas pareil budget. Face à ce mouvement d’opposition à la fête, Julienne dut quitter son couvent et passa de monastère en monastère. Elle trouva refuge en plusieurs abbayes cisterciennes. Elle mourut le 5 avril 1258 à Fosses-la-Ville, entre Sambre et Meuse, et fut inhumée dans l’abbaye cistercienne de Villers-La-Ville.
Le miracle de l’hostie sanglante
La Fête-Dieu est relancée grâce à un miracle qui a lieu à Bolsena en 1263. Il est relaté par les fresques de la Cathédrale d’Orvieto. Un prêtre de Bohême, Pierre de Prague, a de grands doutes sur la présence du Christ dans l’Eucharistie. Lors d’une messe qu’il célèbre, à la consécration l’hostie prend une couleur rosée et des gouttes de sang tombent sur le corporal et le pavement. Le prêtre interrompt la messe pour porter à la sacristie les saintes espèces. Le pape Urbain IV, ancien confesseur de Julienne de Cornillon, vient constater les faits.
Il institue alors la fête du Corpus Domini par la bulle «Transiturus de hoc mundo» le 8 septembre 1264. Il la fixe au jeudi après l’octave de la Pentecôte et confie la rédaction des textes liturgiques à saint Thomas d’Aquin et à Frère Bonaventure.
La Fête-Dieu ne fut reçue dans toutes les églises latines qu’au temps de Clément V, à l’époque du Concile de Vienne (1311 – 1312) où il renouvela la constitution d’Urbain IV.
Cet article a été réalisé par Bernard Bovigny en mai 2014