Prière personnelle ou en famille à domicile
De la mort à la vie ordinaire
Commentaire des lectures bibliques (2 R 4,8…16 ; Ps 88 ; Rm 6, 3-4.8-11 et Mt 10, 37-42) par le père Marcel Domergue, jésuite.
Dans la lecture tirée du livre des Rois et dans le texte de Paul, nous retrouvons un schéma classique, mais que nous avons beaucoup de mal à intégrer. Cela commence par la mort, cela ne signifie pas que «au commencement il y a la mort», mais que nous nous trouvons, quand le Christ vient nous rencontrer, dans la situation d'êtres promis à la mort. Tel est le cas de la Sunamite et de son mari, trop âgés pour espérer une descendance. Paul, en Romains 4,19, parlera d'Abraham qui se trouve dans la même situation, dans «son corps déjà mort». La suite de la 1re lecture nous montre Élisée ramenant à la vie l'enfant du miracle, mort lui aussi. Telle est la deuxième phase du schéma : l'intervention du prophète dans la 1re lecture, celle du Christ dans la 2e ramènent la vie là ou régnait la mort. Paul écrit : «Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui.» Le Christ nous a rejoints dans notre mort pour que nous puissions le rejoindre dans sa vie. Nous qui rencontrons la mort, qui trouvons-nous à nous attendre là ? Le Christ. C'est ce que Jésus dit dans notre évangile : il nous invite à prendre la croix, une croix qu'il a faite sienne ; et à perdre notre vie.Pas n'importe comment : d'autres textes nous parlent de perdre notre vie en la donnant aux autres, et c'est ainsi que nous pouvons la sauver.D'où l'opposition entre garder sa vie « pour soi » et la perdre « à cause de lui ».
L'accueil
La première lecture et la seconde partie de notre évangile insistent sur l'accueil. Les deux miracles d'Élisée (la première naissance et la seconde - hors lecture - qui est résurrection) sont en quelque sorte des remerciements pour l'accueil reçu par le prophète. Mais en l'accueillant, lui que la Sunamite appelle « homme de Dieu », n'est-ce pas Dieu lui-même, le Dieu de la vie, que ce couple accueille ? Jésus dit bien : « Qui vous accueille m'accueille ; et qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé. » Nous voici en présence de la logique de la médiation. Au commencement, Dieu crée par sa Parole, qui est en quelque sorte lui-même hors de luimême. En effet nous avons appris que Dieu est en lui-même altérité, échange, autre manière de dire qu'il est amour. On peut même dire que Dieu est don et accueil, si bien que tout accueil vrai entre nous est déjà présence de Dieu. On peut se demander pourquoi Dieu ne nous rejoint pas directement mais toujours « par ». Par le Christ, par tous les autres que le Christ récapitule. De même la présence du Christ lui-même nous rejoint par « les plus petits ». On se souvient du « c'est à moi que vous l'avez fait » de Matthieu 25,40. C'est qu'une communion directe laisserait de côté tous les autres et toute la création. Dieu nous aime par le don des minéraux, des végétaux, des animaux et de tous nos frères humains. Notre amour pour lui prend le même chemin. Ainsi s'instaure un univers de communion, oeuvre et image de celui qui est l'amour.
La récompense
Beaucoup seront surpris d'entendre Jésus parler de récompense. Allons-nous retomber dans la perspective désespérante du salut par les « mérites », que nous avons critiquée dans le commentaire du 10e dimanche ? Croix d'honneur, croix du mérite ? Il est vrai que certains textes pourraient nous le faire croire. Ce sont des textes qui signalent une étape sur le chemin de la révélation, de la vérité totale vers laquelle nous guide l'Esprit (Jean 16,13). Plutôt qu'à une distribution des prix, pensons à une compensation. Expliquons-nous. Pas plus que le reste de la Loi, le talion n'est aboli. Mais cette exigence d'équivalence se vit autrement, à un autre niveau. Pas d'amour sans justice.Celui qui donne gratuitement ne serait- ce qu'un verre d'eau introduit dans l'univers un déséquilibre, un vide qui demande à être comblé, « compensé ». De même, et plus encore, le pardon, qui est le don suprême et défie la justice qui réclame une juste rétribution. Images et ressemblance de l'amour, nous sommes invités à donner sans compter et sans espoir de retour. Dans le Sermon sur la montagne, nous apprenons que Dieu ne supporte pas ce déséquilibre et que le Père compensera (Matthieu 6,3 ;6 ;18). Nous apprenons en outre que la valeur du don que nous faisons ne se mesure pas à la qualité de ce qui est donné mais à la qualité du destinataire. C'est que tout don fait à d'autres humains est en définitive fait à Dieu lui-même. « C'est à moi que vous l'avez fait ». La récompense est toujours Dieu lui-même.
Père Marcel Domergue, jésuite