Par Didier Berret
A l’époque de Jésus, le lac de Galilée contenait des ressources impressionnantes. Un de ses contemporains de la haute société, le rabbin Simon ben Gamaliel prétendait qu’un jour on lui amena une corbeille avec plus de 300 sortes de poissons. Le lac regorge de vie.
Mais ce soir-là les disciples, pourtant partis à l’heure de la pêche, ne se préoccupent pas de ce qui foisonnent sous leur barque. Le vent, la houle, les vagues transforment leur chemin maritime en véritable traversée du désert. La tempête réveille en eux des sentiments de précarité et la peur de mourir. Le capitaine et son équipage laissent prise à la panique.
Au fond de la barque Jésus dort. Comme Jonas jadis retiré en fond de cale. Il ne fait pas semblant, il ne dort pas d’un œil. Il dort pour de vrai. Celui qui n’a pas de pierre où reposer la tête profite même d’un coussin. Le sommeil du juste. Il dort au fond du bateau comme un homme qui fait aveuglément confiance à son équipage. Avec eux il se sent en sécurité.
Jésus ne gère pas tout. Il délègue. Le commandant du bateau, ce n’est pas lui. Lui, il dort. Comme un nouveau-né au fond de son berceau, bercé par le mouvement des eaux. Mais son sommeil a aussi quelque chose de parabolique. Il offre aux disciples désemparés une forme de miroir. Leurs yeux rivés sur les obstacles provoquent en eux une forme de léthargie dangereuse. Tétanisés, ils s’enfoncent dans le statisme. Les préoccupations de surface prennent le dessus sur l’objectif de leur voyage. La mer bouge et les inquiète au point qu’elle rend tout déplacement impossible. Plus la force de ramer.
Le monde change et l’avenir se dissimule sous un épais brouillard. La perspective de l’autre rive semble si lointaine que les disciples se découragent d’y parvenir un jour. Le fracas des flots obsède au point que tout le reste s’effondre: projets, désirs de nouveauté, soif de grand air.