Par Didier Berret
«La colombe est revenue!» «La colombe est revenue!» Noé pouvait bien se réjouir du retour de sa messagère avec un rameau d’olivier dans le bec. Ça voulait dire la fin du confinement! Il allait enfin pouvoir libérer sa famille et tous les animaux, et retrouver la terre ferme, sarcler le sol, planter une vigne, boire un verre, danser, engendrer, revivre, quoi!
Qu’elle fut longue cette quarantaine! 40 jours et 40 nuits de pluie et de grisailles, puis 150 jours de décrue puis 40 autres jours d’attente… La liberté a d’autant plus de prix qu’elle tarde à venir! Quelle splendeur cet arc-en-ciel, éclatant de toutes les couleurs de la terre et du ciel. Et grand comme l’infini. Un pied près de Noé, un pied près de Jésus. Un pont reliant ces deux hommes de Dieu qui sortent des eaux. Et la colombe qui revient encore et fait chanter le ciel: «Tu es mon fils bien-aimé!»
Un peu comme l’apôtre Pierre à la Transfiguration, l’envie me vient soudain de voir l’histoire s’arrêter là. Ou pour le moins traîner un peu. Après tout ce n’est pas si souvent qu’une voix du ciel s’offre à entendre! Focus sur une image d’Epinal. Adoration. «Tu es mon Père bien-aimé!»
Mais le texte ne perd pas de temps. «Aussitôt» insiste l’évangile. «Aussitôt» l’Esprit-colombe devient Esprit-chasseur. Il jette dehors Jésus, au désert. Rebelote pour une quarantaine! La solitude, l’absence de repères et de perspectives, l’angoisse de tourner en rond comme les Dupondt avec leur jeep, la présence peu rassurante de bêtes sauvages de toutes sortes: les grosses qui montrent les crocs mais restent prévisibles, les petites, plus sournoises, cachées sous le sable et distillant les venins les plus mortels, la chaleur accablante du jour et la fricasse éreintante de la nuit, tout dans le désert concourt à la mise à l’épreuve.