La théologienne Christine Pedotti nous propose son approche biblique de la personne de Jésus en lien avec les femmes qu’il a rencontrées. Que se passe-t-il, au fil des Evangiles, entre Jésus et les femmes qui y sont évoquées ? Les 6 et 7 mars derniers, la bibliste française Christine Pedotti a abordé cette question à St-Ursanne et à Delémont.
A y regarder de plus près, les femmes sont effectivement présentes dans les Evangiles. Mais alors, pourquoi ce sentiment étrange… qu’elles n’y sont pas ? « Les évangélistes ont été de bonne foi, précise d’emblée Christine Pedotti. Les femmes sont bel et bien mentionnées dans les textes, mais la lecture - faite essentiellement par des hommes - rend ces personnages féminins presque invisibles. » Parties intégrantes de la narration, les descendantes d’Eve sont victimes d’un regard masculin différent et d’une perception autre des choses. Ainsi en va-t-il, par exemple, de Marthe et de Marie. Cette dernière, tandis que sa sœur Marthe s’affaire et s’affole dans ses tâches ménagères, s’octroie le droit de s’asseoir aux pieds de Jésus ; autrement dit : en tant que disciple. Dans un contexte hébraïque où les femmes, discriminées, n’ont pas accès à la Torah, le Christ apparaît comme celui qui les libère. Confiant en leurs capacités, ne leur accorde-t-il pas toute crédibilité et légitimité, refusant de les enfermer dans le carcan d’un rôle traditionnel ? « Jésus confirme pleinement les femmes dans leur fonction apostolique; et cela va se vérifier de nombreuses fois dans les textes », explique l’intervenante. Ainsi trouve-t-on l’expression « fille d’Abraham » (Luc 13,16) pour désigner et légitimer la descendance féminine du patriarche.
Dialogue avec Christine Pedotti
Partie 1: lecture du film = 12'
Retour en images
Partie 2: lecture du film = 12'
Porteuses de la Parole
Chez Luc, quarante pourcent des personnages cités sont féminins. Il y en a vingt-cinq pourcent chez Matthieu. Quant à Jean, tout ce qui se passe d’important est amené par des femmes. « Ce sont elles que saint Luc institue comme porteuses de la Parole. C’est à la Samaritaine que Jésus dévoile son identité. Leur dialogue théologique est d’ailleurs le plus long des Evangiles. » A la fois prophètes, disciples, théologiennes et missionnaires, les femmes se voient encore confier le plus précieux des trésors : l’annonce de la Résurrection ! « En toute logique, sourit Christine Pedotti ce sont elles qui devraient annoncer la Parole… »
Figure biblique privilégiée, Marie de Magdala (confondue souvent à tort avec d’autres Marie) occupe ainsi une place prépondérante parmi les femmes qui suivent le Messie. Un lien affectueux la lie à son Seigneur et la voici, en larmes, au tombeau vide, le matin de Pâques, réclamant à grands cris le Corps du Crucifié…
Faites mémoire !
Dans un contexte hébraïque où la question de la pureté rituelle est fondamentale, la guérison de la femme hémorroïsse (Mt 9,20) souligne l’acte de libération et de purification du Christ. Il vient rompre les règles établies à son époque entre les hommes et les femmes.
Dans les Evangiles, on trouve très peu de prénoms féminins. « Dans la sphère publique, les femmes n’étaient jamais appelées par leur prénom. Ce dernier indique toujours une proximité, une familiarité ». Ainsi sait-on que Marthe et que Marie (de Béthanie, de Magdala) étaient proches de Jésus. Et qui se souvient de l’onction de Béthanie ? De cette femme oubliée qui a oint la tête du Christ ? (Mt 26, 6). Qui fait mémoire de son onction, selon l’injonction du Seigneur ? « En vérité je vous le dis, partout où sera proclamé cet Evangile, dans le monde entier, on redira aussi, à sa mémoire, ce qu’elle vient de faire. »
Oui. Dans les Evangiles, des femmes administrent l’onction. Sur la tête et les pieds du Christ. Cheminant avec Jésus et les autres disciples, présentes au tombeau et au pied de la Croix, elles sont les témoins privilégiés, souvent occultés, de l’apogée évangélique.
En conclusion
Cantonnées dans une fonction, muselées dans une interprétation, les femmes des Evangiles nous invitent à lever le voile. Comme la Samaritaine, toutes et tous asseyons-nous, interpellé(e)s, émerveillé(e)s, sur la margelle du puits. Comme Marie de Magdala, déchirons nos cœurs au tombeau. Comme Marie de Béthanie, assumons notre place de disciple. Osons l’onction et la bénédiction. Libérateur et émancipateur - comme nous l’a rappelé Christine Pedotti - le christianisme nous incite à dépasser les faux-semblants, à nous emparer et à nous investir d’une vraie égalité. Celle que le Christ lui-même nous a conférée.
Christiane Elmer
Ce que je crois
Christine Pedotti a suscité un vif intérêt lors de sa conférence du 6 mars dans la Collégiale de Saint-Ursanne, cité médiévale du Clos du Doubs, qui a réuni un vaste public .
Femme en vue dans l’Eglise catholique depuis plusieurs années, Christine Pedotti est théologienne et directrice de la revue « Témoignage chrétien ». Elle a écrit plusieurs ouvrages pour alimenter la discussion autour du pouvoir et de la place des femmes dans l’Eglise. Elle a fondé en 2013 la Communauté Catholique des Baptisés Francophones (CCBF) qui encourage le peuple croyant à prendre l’avenir de l’Eglise en main. Elle s'est s’exprimée sur ces sujets à quelques jours de la journée mondiale des droits des femmes, le 8 mars…
Retour en images et sons sur cette conférence-témoignage appréciée par un public attentif.