Par Didier Berret
Du bois mort comme une vieille carcasse. Du bois qui a perdu toute la verdeur de sa jeunesse, abandonné au milieu de rien, ignoré par les passants, juste assez bon pour craquer sous les pas des gamins.
Un jour pourtant il était vigoureux, branché, lourd de fruits, flamboyant de feuilles d’automne, passerelle à écureuil, trône à insecte, refuge des oiseaux, élégant, admirable, costaud. Et le voilà lamentable, tordu, inerte, traînant à terre les pâles reflets de sa splendeur d’antan! Du bois d’Alzheimer, de Charcot, d’impotence. Du bois à l’agonie, immobile, incapable de danser au vent, friable, fardeau.
Une femme passe qui ne vaut guère mieux, usée, à bout de ressources. Elle s’arrête, le remarque, le prend en main, le porte à bout de bras, le serre contre son sein, lui offre un dernier souffle. Pour elle, il est précieux. Il crépite, elle se réchauffe. Il brûle, elle espère. Il se consume, s’offre. Elle offre à son tour. Il s’éteint, ravive en elle une flamme. La vie jaillit et dévoile la mystérieuse beauté de l’inutile. Jamais dans ses jours de vigueur il n’avait donné tant de lumière.
Sarepta-les-ordinaires. Un n’importe-où biblique, un au-delà du connu, une fenêtre ouverte sur un monde ignoré. Seuls les prophètes s’y aventurent. Elie fait halte, sollicite, déploie le bourgeon recroquevillé, révèle la rose. La Rose de Sarepta. Son passé saigne encore et elle n’a pas d’avenir. Alors Elie l’invite à la plénitude du présent. La rencontre vraie met deux êtres debout et dresse une table pour un autre.