L'incrédulité de saint Thomas par Le Caravage (1603) | © sdlary/Flickr/CC BY-NC 2.0
Cher Thomas,
Tu as sans doute été le premier à entendre l’incroyable nouvelle de la part des disciples. Déboussolés après la mort tragique de leur Maître, ils se sont enfermés, à leur tour, dans le tombeau de la peur. La mort les a saisis. Les voilà dans l’abîme. Soudain, comme par effraction, Jésus, le Seigneur se tint au milieu d’eux. Mais, ce jour-là, tu n’étais pas là, Thomas, occupé à d’autres choses. D’ailleurs, comment se fait-il que le Ressuscité n’ait pas attendu le moment propice pour se montrer vivant à ses disciples rassemblés?
Cette visite de Jésus auprès de tes amis ne semble pas t’émouvoir. D’accord, tu n’étais pas là, mais leur joie et leur enthousiasme n’ont eu aucun impact sur toi. Le deuil de ton Maître est trop douloureux. N’est-ce pas toi qui incitait tes amis à suivre Jésus dans ce lieu risqué de Béthanie, au moment de la mort de Lazare, en leur disant: «Allons et mourrons avec lui!» Normal que tu résistes à cette annonce bouleversante. Elle n’est pas recevable comme ça. C’est presque trop beau, trop facile. Une «happy end» qui console tout le monde. «Non, je ne croirai pas si je ne mets pas la main dans son côté et mon doigt dans la marque des clous.» lanceras-tu à tes amis.
Ils auront beau te dire avec tous les mots de la terre ce qu’ils ont vu, te décrire sûrement les détails de cette rencontre avec le Ressuscité, rien n’y fera. Je te comprends, Thomas. L’imagination collective, les hallucinations post traumatiques créent parfois des sortes de revers illusoires au malheur non consenti. Et une semaine, c’est long quand les autres disciples, tes amis, tentent de te partager l’inexprimable avec autant de conviction.