Le Chemin m’a dit… c’est tout droit !
Pèlerinage à Compostelle
Au soir du 12 juin dernier, la grande salle du Centre Saint-François était pleine à craquer bien avant l’heure de la conférence de Marie-Josèphe Lachat : des chaises ont été ajoutées, d’autres ont été alignées dans le couloir adjacent et des dizaines de personnes sont restées debout. Un peu à l’étroit devant l’écran qui a servi à « illustrer » ses propos, l’ancienne directrice des lieux a raconté sa « démarche » qui, trois mois durant, l’a mené en Espagne jusqu’à Santiago de Compostela… Saint-Jacques-de-Compostelle pour les francophones : « On marche le jour, on s’arrête la nuit et c’est tout droit », dira avec humour la jeune retraitée à l’entame de sa soirée témoignage.
« Je vous préviens, j’ai tenté de préparer mon discours, mais rien n’est vraiment structuré. Je ne me rappelle plus l’ordre des étapes, mais je sais que des émotions vont surgir… »
Evidemment la plupart des personnes venues écouter l’assistante pastorale sont des proches, des amis ou d’anciens collègues. Marie-Josèphe Lachat prend le temps de les remercier : « Vous étiez toujours avec moi sur le Chemin. J’ai vu bien des visages en regardant ma liste de contacts enregistrée dans mon téléphone. Merci à vous ». Elle verse sa première larme au moment de mettre des mots sur les raisons qui l’ont amenée à partir pour aller à pied jusqu’à Compostelle : « Je me disais que c’était une belle manière de prendre ma retraite, mais c’était bien plus profond que ça. Maintenant que je suis devant vous, je trouve gonflé d’avoir intitulé cette soirée « le Chemin m’a dit ». C’est impossible. Comment exprimer l’indicible… exprimer Dieu ».
Des anges gardiens
Avec son vécu, ses mots et sa foi, Marie-Josèphe évoque ce pèlerinage de 2200 kilomètres parcourus durant 125 jours : « je n’ai pas marché tous les jours, j’ai pris mon temps. Le balisage ne m’a pas empêché de m’égarer. Perdue dans mes pensées, il m’est arrivé de me tromper d’itinéraire… mais à chaque fois, comme des anges gardiens, des personnes m’ont aidé à retrouver le bon Chemin ».
Un jour, après des heures de marche, un évènement a bien failli mettre un terme à son périple : « J’étais encore en France et, alors que j’étais dans une église, je constate que je n’avais plus ma banane, la sacoche ventrale avec mes papiers, l’argent et d’autres objets personnels. J’étais anéantie. C’était la fin du voyage. Pensant que c’était un vol, je me suis rendue à la mairie… c’était midi. Je rencontre la femme de ménage, qui elle, connait la secrétaire, dont le mari est hospitalier. Celui-ci m’embarque dans sa voiture et m’amène où j’avais passé la nuit. Ma sacoche était là, je l’avais oubliée… mais une fois encore des anges gardiens m’ont aidée !
Spirituellement blindée
Accaparée par ses engagements à la direction du Centre Saint-François, au Service du cheminement de la foi et dans l’Equipe pastorale Sainte-Colombe (Bassecourt), Marie-Josèphe ne s’était pas vraiment entraînée à marcher : « C’était un peu de la folie de partir comme ça, sans la moindre préparation physique, si ce n’est de petites balades de quelques kilomètres dans le coin ». Par contre, spirituellement, elle était blindée : « J’avais envie d’être seule avec Lui et j’ai aimé ça. J’avais beaucoup de choses à poser ». A l’entendre, même le contenu du sac à dos était en lien avec la spiritualité : « Deux slips, deux soutiens-gorge, deux t-shirts et deux shorts… ça va pour quatre mois ? Non ? Lorsque Jésus envoie les apôtres en mission, il leur a demandé de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton. ”Mettez des sandales et ne prenez pas de tunique de rechange” (Marc 6, 7-13). Il y avait une notion de pauvreté dans ma démarche. Bien sûr, j’avais de l’argent et un téléphone avec moi, mais je me suis mise dans une situation qui m’imposait de devoir compter sur les autres ».
Un jeu d’équilibre
Marie-Josèphe est arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle le 28 octobre 2018 avec presque un mois de retard sur son projet initial : « J’ai pris mon temps, j’avais tout le temps. Il m’a fallu un mois pour que mon corps soit en harmonie avec ce que j’avais dans la tête et dans le cœur. J’aime marcher dans le jeûne. J’aime marcher dans le désert. Mais je ne suis pas une marcheuse. Je n’aime pas la sueur, je n’aime pas l’effort physique. Marcher, c’est un jeu avec l’équilibre de notre corps. On se penche en avant et l’on pose un pied pour ne pas tomber. C’est ce déséquilibre qui est intéressant. En marchant, on se déleste, on se vide… c’est un vrai lâcher-prise. Quand on marche, on n’est pas à côté de ses pompes ! On existe ! »
Lève-toi et marche !
Pour rappel, le vendredi 29 juin 2018, Marie-Josèphe Lachat quittait définitivement son bureau de Delémont. Moins d’une semaine plus tard – le 5 juillet – elle revenait au Centre Saint-François, sac au dos, pour une messe « d’au revoir » célébrée par l’abbé Claude Nicoulin. Faisant écho à l’Evangile du jour (Mt 9, 1-8) le prêtre s’était adressé à son amie : « Marie-Jo, ce matin le Seigneur te le dit : lève-toi et marche ! » Des mots qui ont compté : « Je n’avais plus de boulot, plus de voiture et plus d’appart. Je laissais tout derrière moi pour partir avec le contenu de mon sac à dos. Dès lors, ma maison a été le Chemin, le paysage mon horizon. J’étais nomade ! J’ai aimé cette vulnérabilité, ce dépouillement… et j’ai fait du chemin avec ça ! »
Pascal Tissier