«La pêche miraculeuse», détail. Konrad Witz, 1444, détrempe sur bois. Musée d'art et d'histoire de Genève | Domaine public
Jésus se sentirait-il à l’étroit pour appeler ceux qui deviendront ses disciples à se risquer en eau profonde? Il vient là, à la rencontre de ces pêcheurs et dans l’ordinaire de leur activité, les inciter à regarder plus loin que leur échec. En effet ils n’avaient rien pris de toute la nuit alors que leur pêche leur est nécessaire pour vivre. Ce n’est pas tellement de son propre bien-être que Jésus se préoccupe, mais de celui de ces humains qu’il est venu visiter.
Nous ne le connaissons pas encore bien car nous sommes au début de sa mission et, déjà, nous découvrons son souci d’élargir nos horizons. Si Dieu est venu habiter avec nous ce n’est pas pour nous laisser enfermés dans nos soucis mais nous conduire plus loin. L’appel au large, ou en profondeur selon les traductions, nous pousse donc à oser aller à la fois plus loin et plus profond.
Jésus vient par là nous révéler la véritable dimension de notre existence avec lui. Le large c’est le mouvement et l’avenir, et la profondeur c’est le fondement et la solidité. L’un des sens du mot espérance n’est-il pas justement comme le fil d’une ancre qui nous accroche dans ce qui est stable? L’auteur de la lettre aux hébreux nous le rappelle: «Nous avons cette espérance comme une ancre pour l’âme, ferme et sûre». – Hébreux 6,19.
Nous avons tant besoin d’oser l’espérance: et pour le chrétien celle-ci n’est pas vaine puisqu’elle est accompagnée de la présence du Christ plein d’amour et de patience et aussi plein de ce courage qui lui permet d’affronter les vents contraires d’une humanité parfois désorientée… Jusqu’à la croix et au matin de Pâques!
Cette première vraie rencontre avec Pierre dans l’évangile de Luc le rejoint dans sa réalité quotidienne: dans ses doutes et dans ses peurs, une parole le renouvelle au point qu’il s’embarque à nouveau avec une confiance retrouvée. Et là, Jésus le conduit plus loin encore. Alors que lui et ses compagnons auraient pu se contenter de la formidable abondance de sa pêche, Jésus l’appelle à une nouvelle vocation: pêcheur d’humains! Le premier appel au large de la mer devient donc un appel au large de sa vie. Dans la confiance et dans l’inconnu ils le suivirent pour une vie nouvelle.
La nouveauté c’est que ce ne sont plus des poissons qui sont sortis de leur milieu naturel pour faire vivre les hommes, mais ce sont au sens littéral «des humains qu’il prendra vivants»! Jésus associe donc Pierre, puis ses compagnons, à son œuvre de salut. Sortir des hommes de la mer c’est les empêcher de se noyer, c’est donc les sauver. Dès le début de la mission, avec ces premiers disciples, nous découvrons Jésus qui vient retourner toutes les situations en faveur de la vie. Nous croyons en effet que par sa mort et sa résurrection Jésus est venu sauver le monde!
Konrad Witz l’avait bien compris lui qui, par son célèbre tableau de la pêche miraculeuse, situe pour la première fois dans l’histoire de la peinture une scène biblique dans un paysage réel: la rade de Genève avec le Salève et le Môle. C’est sur la scène de notre vie que résonne aujourd’hui l’appel de Jésus à avancer au large!
Philippe Matthey | Vendredi 4 février 2022
Lc 5, 1-11
En ce temps-là,
la foule se pressait autour de Jésus
pour écouter la parole de Dieu,
tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth.
Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ;
les pêcheurs en étaient descendus
et lavaient leurs filets.
Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon,
et lui demanda de s’écarter un peu du rivage.
Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules.
Quand il eut fini de parler,
il dit à Simon :
« Avance au large,
et jetez vos filets pour la pêche. »
Simon lui répondit :
« Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ;
mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. »
Et l’ayant fait,
ils capturèrent une telle quantité de poissons
que leurs filets allaient se déchirer.
Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque
de venir les aider.
Ceux-ci vinrent,
et ils remplirent les deux barques,
à tel point qu’elles enfonçaient.
à cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus,
en disant :
« Éloigne-toi de moi, Seigneur,
car je suis un homme pécheur. »
En effet, un grand effroi l’avait saisi,
lui et tous ceux qui étaient avec lui,
devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêchés ;
et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée,
les associés de Simon.
Jésus dit à Simon :
« Sois sans crainte,
désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
Alors ils ramenèrent les barques au rivage
et, laissant tout, ils le suivirent.