Du mardi 4 septembre au jeudi 6 septembre 2018, près de 65 agents pastoraux se sont retrouvés dans le Jura français, à Sancey-Le-Long, pour vivre une session de formation avec Thierry Collaud, médecin et professeur de théologie morale à l'université de Fribourg. Le thème de cette année 2018 abordait la question de l'accompagnement de la personne âgée et de sa fin de vie.
Vieillir : chance ou problème ?
Du 4 au 6 septembre 2018, les agentes et agents pastoraux du Jura pastoral ont pris part à une session de formation à Sancey-Le-Long (Jura français) consacrée à l’accompagnement de la personne âgée et en fin de vie. Cette session était animée par le professeur Thierry Collaud, 61 ans, de l’Université de Fribourg, qui est à la fois médecin, théologien et philosophe éthicien.
Durant cette session, les agent(e)s pastoraux se sont penchés sur les enjeux anthropologiques, éthiques, théologiques et pastoraux du grand âge. Quelles différences entre le 3eet le 4eâge ? Quand devient-on « vieux ? Autant de questions que l’on peut se poser au cœur d’une société obnubilée par la rentabilité et la notion d’anti-âge…
« Physiologiquement, on commence à vieillir dès l’âge de 20 ans» a déclaré d’emblée l’intervenant. Le vieillissement, loin d’être une maladie, est un phénomène des plus naturels, inscrit dans notre vie. « C’est un processus que l’on constate chez les autres, et en nous, et que l’on interprète. » Face à la détérioration progressive du corps et du mental, le vieillard que nous ne cessons de devenir est invité à apprendre la dé-maîtrise. « Il y a des réalités indésirables, que l’on subit, et auxquelles on consent ou non. Le grand défi de l’âge, c’est de passer progressivement du subiau «consenti»
Pertes et peurs
Au fil des partages en groupes et des vidéos visionnées, les participants ont pu constater que les personnes âgées ne constituent pas une catégorie homogène. « Il existe autant de manières de vieillir que d’individus » explique Thierry Collaud. De nos jours, l’augmentation du nombre de personnes âgées (baby-boomers) est perçue comme un problème. Economique, social et éthique. Le nombre de centenaires est résolument à la hausse : chance ou problème ? « De nos jours, la personne âgée de 65 ans n’a plus du tout le même profil que celle qui avait le même âge en 1950 ». De plus en plus de seniors sont actifs et débordants de projets. Loin d’être assistés, ils sont parfois même – pour un temps - les soutiens précieux de leurs proches, enfants ou petits-enfants. Mais après la vieillesse indépendante vient le temps de la vieillesse dépendante... « La peur que celle-ci suscite constitue un énorme facteur d’exclusion. A l’image des lépreux de la Bible, nous avons nos personnes âgées, handicapées ou sans-abri, pour ne prendre que ces exemples. »
A force de focaliser sur les pertes engendrées par l’âge, nous oublions qu’il s’agit plutôt de modifications, de réaménagements intérieurs. « Le jedemeure jusqu’au bout, même dans la maladie d’Alzheimer. On garde les valeurs profondes qui nous ont habités durant toute notre vie. Nous portons notre histoire et sommes capables d’être touchés et saisis par ce qui nous dépasse, par l’Autre ou par la beauté. »
La tyrannie du bien vieillir
La personne très atteinte dans sa santé peut avoir l’impression d’être « indigne », mais la dignité humaine, liée au respect, est ontologique. On ne peut donc pas la perdre. Chaque être humain a le devoir d’attester de la dignité des autres. Thierry Collaud ajoute qu’il existe aujourd’hui une nouvelle conception de la dignité. « C’est celui qui vieillit sans faire de bruit, sans déranger, sans que ça ne se remarque trop ». Oser afficher sa vieillesse ou sa peine est perçu comme une sorte… d’indécence.
Face aux événements traumatisants, nous avons la capacité de nous adapter en puisant à nos ressources, internes et externes, pour continuer à vivre une vie pleinement humaine. La résilience, comme on l’appelle, est cette capacité d’avancer, cette dynamique existentielle nous permettant d’offrir une résistance à l’adversité. « Les traumatismes n’ont pas disparu, précise Thierry Collaud. Ils coexistent. La résilience est favorisée par les ressources spirituelles et existentielles de la personne. »
Et en Eglise ?
Faisons-nous communauté avec des personnes différentes (personnes handicapées ou âgées) ? Qu’attend notre société de nos aînés, une fois l’âge de la retraite atteint ? « La personne âgée, même dans sa maladie, peut nous donner quelque chose. Ne serait-ce que nous montrer qu’on peut traverser les épreuves de la maladie ou du grand âge ». Nous avons donc à créer des espaces où l’inattendu peut surgir. A envisager d’autres activités, un autre mode de fonctionnement. Et quels sont les besoins de nos aînés ? Comment rejoindre ceux qui ne peuvent plus se déplacer ? « Si l’humanité a été créée, c’est pour qu’il se passe quelque chose entre Dieu et l’homme. L’Esprit parle à chacun et il s’agit d’être prêt à écouter ce qu’il nous dit, à travers l’autre, à travers le frère ou la sœur âgé(e). »
Christiane Elmer