Un prêtre proche des gens et apprécié de tous
Le samedi 5 février, l’abbé Georges Schindelholz «est entré dans la joie de la résurrection»
Georges Schindelholz, c’était le prêtre exorciste de mon adolescence à Porrentruy. Pour évoquer ce souvenir, il faut rembobiner la mémoire d’au moins 50 ans. Les Rolling Stones chantent leur sympathie pour le diable (Sympathy for the Devil) alors qu’au cinéma, après la naissance du satanique bébé de Rosemary, Stephen King envoie Carrie au bal du diable. Même la bande dessinée se mue au « Métal hurlant » de la sorcellerie. Au début des années 70, en pleine « pop culture » on voit le diable partout, comme un « revival » de l’occultisme, des spiritualités et d’autres mouvements ésotériques. En 1974, la sortie du film L’Exorciste agite les esprits et met en lumière ces prêtres qui peuvent – dit-on – déloger le prince des ténèbres des âmes tourmentées. Et c'est à cette période que l'abbé Georges Schindelholz publie son livre maintes fois réédité : "Grimoires secrets - Edition augmentée des exorcismes et prières pour conjurer les maléfices"... Une bombe éditoriale, que diable !
Lecture du film = 5'50''
Grimoires et secrets
En Ajoie, l’abbé Schindelholz fascine : dans ses écrits, il évoque à sa manière les contes et les légendes du Jura, les croyances et les superstitions de l’Ajoie. Ses ouvrages sont dans l’air du temps… agacent certains, mais se vendent très bien et pas qu’en Suisse. « Les sectes et communautés dissidentes du Jura » ; « Les racines de l’enfer ». « Exorcisme, un prêtre parle », propose même une « Petite anthologie de la possession ». Le succès de « Grimoires et secrets » oblige l’éditeur à imprimer plusieurs éditions « augmentées des exorcismes et prières pour conjurer les maléfices ». Encore aujourd’hui, ce livre fait peur… lire certaines incantations ou jeter le bouquin pourrait porter malheur. Malgré ses connaissances, ses exposés et ses écrits sur la théurgie, l’abbé Georges n’a pourtant jamais été nommé officiellement prêtre-exorciste par son diocèse.
Vocation tardive
Né le 20 mai 1929 à Courtételle, fils d’un homme de lettres, comme il aime le dire en parlant de son père, facteur du village, Georges Schindelholz est l’un des neuf enfants de la fratrie. Au terme de son parcours scolaire qu’il effectue à Bassecourt, le gamin travaille quelques mois en usine ou chez un tapissier où il fabriquait des sacoches à vélo pour 50 centimes de l’heure. Finalement, à l’initiative de son père, il entame une formation de compositeur-typographe (1947-1951) à « La Bonne Presse du Jura », société éditrice du quotidien « Le Pays » à Porrentruy. Le décès brutal de l’un de ses copains, l’amène à entendre un « appel »… une vocation.
A 23 ans, il entre au séminaire Notre-Dame de Lourdes à Montmagny, un internat près de Paris ouvert aux conversions tardives (1952-1954). Il poursuit dès lors plusieurs années d’études au Collège Saint-Charles, à Porrentruy ; à Saint-Maurice (maturité latin-grec) ; à l’Université de Fribourg et chez les Jésuites à l’Université pontificale grégorienne de Rome. Georges Schindelholz est ordonné prêtre le 29 juin 1964 à Soleure : il a 35 ans.
Retour au « Pays »
Durant quelques années, il enseigne au Collège Saint-Charles de Porrentruy (1964-1969) avant d’intégrer la rédaction du quotidien bruntrutain « Le Pays ». Longtemps porte-parole de l'Eglise catholique, « Le Pays » est alors l’organe d’opinion démocrate chrétienne qui s’affiche ouvertement séparatiste dans la question jurassienne. Pendant une dizaine d’années, le prêtre-journaliste est le « conseiller ecclésiastique » à plein temps du quotidien (1969-1980). Il veille à la ligne chrétienne du journal, écrit les articles en lien avec l’Eglise ou rédige des nécrologie. Dans le même temps, Georges Schindelholz donne des conférences et, dès 1975, est le rédacteur en chef de la revue « Grandir », support de la pensée chrétienne et de la spiritualité franciscaine voulue par les sœurs de l’Œuvre Séraphique de charité de Soleure. Il est aussi l’un des chroniqueurs de L’Almanach du Jura, catholique à l’origine.
Curé en Ajoie
La cinquantaine passée, Georges Schindelholz quitte les berges de l’Allaine pour s’installer au bord du Doubs où il est nommé curé de Saint-Ursanne, sa première charge pastorale (1980-1986). Amoureux de la région, il achète à un paysan un petit chalet à Montenol : un « petit paradis » qu’il va progressivement rénover pour s’y retirer, se reposer ou partager des moments de convivialité.
Curé de Fahy-Grandfontaine-Roche-d’Or de 1986 à 2003, Georges Schindelholz ne quitte plus l’Ajoie et, à 75 ans, reste prêtre retraité actif dans les huit paroisses de Haute-Ajoie.
En décembre 2012, il annonce son retrait à l’abbé Jean Jacques Theurillat, vicaire épiscopal : « En mai prochain, j’entrerai dans ma 85e année, avec 49 ans de sacerdoce. Je remercie Dieu de m’avoir accompagné et guidé tout au long de ma vie. Mais le temps est venu de “rendre mon tablier” ». Une décision qui ne l’empêchera pas, entre autres, d’accompagner chaque année, jusqu’en 2017, les pèlerins jurassiens qui se rendent en car au pèlerinage de Lourdes. Au printemps 2020, rattrapé par des problèmes de santé inhérent à son âge, il dépose les plaques de sa voiture et quitte son appartement à Bure… pour s’installer au Foyer Les Planchettes, à Porrentruy. Finalement, le samedi 5 février, dans sa 93e année, dont 58 de sacerdoce, l’abbé Georges Schindelholz « est entré dans la joie de la résurrection » ...
Pascal Tissier