Hommage à l’abbé des plus démunis
L’abbé Justin Rossé a toujours dédié son sacerdoce aux délaissés et aux marginaux. Celui que l’on appelait l’abbé des démunis, connu et reconnu pour sa gentillesse et sa modestie a été rappelé à Dieu samedi. Il était dans sa 91e année. Missionnaire dans l'âme, l'abbé Justin avait notamment fondé l’association « Fraternité Jura-Monde », qui a célébré, il y a quelques mois, ses cinquante ans de soutien aux missionnaires jurassiens. En 2011, l’abbé Justin avait évoqué son parcours… Hommage.
«C’est quoi la retraite? Je n’aime pas ce mot, je suis allergique à ça. Je ne peux pas m’arrêter. Tant qu’ils seront là, je n’arrêterai pas.» Ils, ce sont les toxicomanes et autres marginaux que Justin Rossé va visiter bénévolement plusieurs fois par semaine à l’unité médico-psychologique de l’hôpital de Delémont: «Je vais trois fois par semaine passer un moment avec ces jeunes pris dans la drogue.» Et même s’il y a beaucoup de tendresse dans sa voix, on sent parfois une pointe d’amertume dans ses propos: «Je n’ai plus rien que ça à faire étant donné que je n’ai plus de fonction dans l’Eglise. Mais je ne manque de rien et mes gosses n’ont pas faim non plus… mes gosses, ce sont tous ces marginaux que je côtoie. Je n’ai jamais trouvé autant d’amitié que dans ce milieu, je n’ai jamais été autant embrassé.»
A l’entendre, Justin Rossé célèbre quotidiennement une messe : «le mardi, pour les sœurs du home La Promenade, le mercredi pour la communauté de Soyhières, le samedi pour les religieuses du carmel de Develier et les autres jours chez moi, dans une pièce aménagée en chapelle. Même seul, il y a une présence du cœur. Je porte dans ces eucharisties tous les gens que j’ai vus la veille et tous ceux que je rencontrerai aujourd’hui.»
A Paris aux côtés de l'abbé Pierre
Lorsqu’on lui demande son âge, Justin Rossé avoue avoir «63 ans depuis vingt ans», allusion de plus à son drame de la retraite. Enfant de Courtételle, l’abbé confie que sa vocation est presque innée: «A l’école enfantine, je disais déjà que je voulais devenir prêtre.» Plus tard, après deux ans de formation à Lucerne, il fait deux ans de séminaire à Paris: «C’est la que j’ai rencontré l’abbé Pierre, le fondateur d’Emmaüs. J’ai eu l’occasion de travailler à ses côtés, notamment lors du terrible hiver de 1954 et j’ai été marqué par son esprit et par son engagement dans sa lutte contre l’exclusion.»
Ordonné prêtre à Soleure en 1956, Justin Rossé passe quelques années à Porrentruy (1956-1962) avant de s’envoler pour l’Afrique: «Je suis parti au Bénin et finalement j’y suis resté sept ans (1962-1969). J’avais une petite paroisse de la taille des deux juras avec une vingtaine de villages. J’étais un peu le prêtre-médecin: j’apportais des médicaments et je faisais même des opérations.» A son retour de la brousse, il passe quelques mois aux Breuleux avant de s’installer à Alle (1970-1985). Nommé aumônier des hôpitaux (1985-1993), Justin Rossé prend l’initiative d’écrire à l’évêque: «Je lui ai demandé ce que l’Eglise allait faire avec les prisonniers, les toxicomanes et les sidéens. On m’a alors proposé d’abandonner le service des malades, pour m’occuper d’eux. C’est avec cette mission que j’ai entamé ma retraite (1993-2003). Quand j’ai eu 75 ans, j’ai demandé à être remplacé et c’est Jean-Charles Mouttet a repris le flambeau à travers le «Service d'Aumônerie Prisons Psychiatrie Addictions Sida» (SAPPAS) et je suis très heureux de le voir redynamiser ce service.»
Quand on lui demande ce qu’il aimerait voir paraître sur lui, Justin Rossé écarquille les yeux: « Oh non, rien sur moi. Ce que je souhaite, c’est que l’Eglise s’ouvre davantage aux marginaux et aux gens qui ne vivent plus dans la communauté de l’Eglise. »
Pascal Tissier
Novembre 2011