Francis Charmillot livre son sentiment
Le 15 mars dernier, à Bassecourt, dans le cadre des rencontres annuelles des agents pastoraux du Jura pastoral, les prêtres, diacres, assistants et animateurs pastoraux, ainsi que les membres de services, ont partagé une journée de réflexion autour de la thématique de l’accueil des migrants dans le Jura pastoral. Pour animer cette session, les organisateurs avaient invité Francis Charmillot, le directeur de l’Association jurassienne d’accueil des migrants (AJAM). L’ancien agent pastoral a souligné l’aide à l’insertion apportée par des bénévoles et l’association jurassienne Terre d’accueil.
Voilà bientôt seize ans que Francis Charmillot dirige l’Association jurassienne d’accueil des migrants, dite l’AJAM. Âgé de 58 ans, ce père de quatre enfants a toujours œuvré dans le domaine social : animateur pastoral en charge de la jeunesse, puis assistant social, titulaire d’une vaste collection de spécialisations, Francis Charmillot aligne aussi plusieurs engagements associatifs. « Je suis content d’être parmi vous aujourd’hui, j’ai l’impression de faire un bond dans le passé et je suis vraiment heureux de revoir des amis qui ont compté dans ma vie ». Francis Charmillot n’a pas caché son émotion face à tous les agents pastoraux réunis au complexe paroissial de Bassecourt, au matin du 15 mars, pour une journée de réflexion articulée autour de la problématique de l’accueil des migrants dans le Jura pastoral. « Pour évoquer cette question, il faut avant tout sortir de l’émotion générée par ce que l’on voit ou entend dans les médias. L’une des réalités pour les migrants qui débarquent ici, c’est vingt ans d’espérance de vie gagnés, via les soins et les vaccins dont ils bénéficient ».
Une menace plane
Le directeur de l’AJAM se dit plutôt inquiet pour les mois à venir : « actuellement les conditions d’accueil ne cessent de se durcir, même si la clé de répartition de la Confédération n’a pas changé : le canton du Jura se doit d’accueillir 1% des demandeurs d’asile qui arrivent en Suisse. Ce n’est pas énorme, certes, mais si demain Monsieur Erdogan ouvre les frontières turques, c’est potentiellement une vague de cinq millions de personnes qui va submerger les pays européens ».
À ce jour, le canton du Jura accueille et prend en charge 970 requérants d’asile. Ils étaient 888 en 2015 ; 627 en 2014 et seulement 280 il y a juste dix ans. Le rôle de l’AJAM, les secteurs d’activité, les prestations comme la scolarisation, ainsi que toutes les données chiffrées, ainsi que le détail de l’assistance (aide sociale) versée aux demandeurs d’asile, sont publiés sur le site de l’association (www.ajam.ch).
Le drame des Érythréens
Dans son exposé, Francis Charmillot, revient sur les raisons qui font qu’actuellement la majorité des requérants proviennent d’Érythrée : « ce pays de la la corne de l’Afrique, indépendant de l’Éthiopie depuis 1993, est gouverné par un fou furieux et sous perfusion d’autres états. Je suis certain que si la Hollande, l’un des principaux pourvoyeurs de fonds, résiliait ses arrangements économiques, le gouvernement tomberait immédiatement. Il faut préciser que la population érythréenne présente dans le Jura est essentiellement chrétienne, issue de l’Église érythréenne orthodoxe. »
D’après le directeur de l’AJAM, outre l’Érythrée, l’Afghanistan, l’Irak, la Somalie et la Syrie sont bien représentées dans le classement des pays de provenance : « il faut bien se mettre dans la tête que personne ne quitte son pays de gaieté de cœur. Et il y a ceux qui sont restés au pays et qui comptent financièrement sur celui ou celle qui est en Europe. Nous sommes bien conscients qu’une grande partie de l’aide sociale est envoyée à l’étranger. À ce propos, le fric que se fait Western Union sur le dos des migrants est purement scandaleux ! »
Pascal Tissier
Des bénévoles en action...
...pour aider les migrants à s'intégrer
Pour Francis Charmillot, l’image du petit Aylan mort sur une plage turque a déclenché un énorme engouement bénévole : « aujourd’hui, pas moins de 80 bénévoles s’engagent dans des démarches individuelles ou en groupe, dont beaucoup de retraités. Cours de langue, de musique, de cuisine ou de machine à coudre. Même des jeunes encore en étude offrent leurs compétences pour aider des migrants de leur âge à s’intégrer ».
Il y a aussi « Terre d’accueil », un collectif citoyen créé à l’initiative de Claire-Lise Droz, la responsable de l’Association CANTOU part’âges qui, en accord avec l’AJAM, offre diverses activités à des migrants en attente de décision de la Confédération. Outre des cours variés pris en charge ou animés bénévolement par des spécialistes, « Terre d’accueil » permet à des familles de « parrainer » un migrant. Généralement, les participants à cette action invitent leur « filleul » à domicile pour partager un repas, pour visiter la région, aller au cinéma ou à un spectacle, le but premier étant de favoriser son intégration tout en améliorant son français./pti