L'abbé Valentine Koledoye est vicaire épiscopal de la région de St-Ours (diocèse de Bâle) depuis le 1er mai 2020 | © dr
La vague d’indignation contre la mort de George Floyd, fin mai 2020 aux Etats-Unis, a amené des milliers de personnes à descendre dans les rues, également en Suisse. Valentine Koledoye, vicaire épiscopal de St-Ours (diocèse de Bâle), originaire du Nigeria, donne son opinion sur ce mouvement.
Georges Scherrer, kath.ch/traduction: Raphaël Zbinden
Il apparaît clairement que beaucoup de personnes qui se sont jointes aux rassemblements de ces derniers jours dans le monde ont elles-mêmes fait l’expérience du racisme, note Valentine Koledoye. D’autres, en revanche, devraient être interrogées sur les motivations précises de leur participation, poursuit le vicaire épiscopal bâlois.
«Je fais moi-même la distinction: s’agit-il d’une critique des personnes racistes ou d’un système raciste?» Les images qui ont circulé aux États-Unis ont sans doute réveillé des souvenirs et des émotions douloureuses chez de nombreuses personnes, qui sortent maintenant dans la rue pour protester contre le racisme. Rien qu’à Bâle, environ 5’000 personnes ont participé à une manifestation le 6 juin 2020, elles étaient 10’000 à Genève, le 9 juin.
Discrimination pas acceptable
En 1992, alors que Valentine Koledoye vivait à Baltimore, à l’est des Etats-Unis, une vidéo sur les mauvais traitements infligés à l’Afro-Américain Rodney King, à Los Angeles, a ébranlé le pays. Valentine Koledoye relève toutefois que la violence n’est pas seulement dirigée contre les Noirs. «A Baltimore, plus de Blancs que d’Afro-Américains sont tués par la police», assure le prêtre.
Il note que certains partis politiques incitent au racisme. «Une réalité qui existe aussi en Afrique», où des politiciens pointent du doigt les immigrants. «Alors, s’agit-il dans ce cas vraiment de racisme ou d’autre chose?», se demande Valentine Koledoye. Il souligne que le racisme est un phénomène abominable, mais qu’il ne faut pas cantonner à certains domaines. Il est en effet inacceptable, estime le prêtre, qu’une personne soit discriminée, que ce soit en raison de la couleur de sa peau, de sa religion ou de son orientation sexuelle.
Tous créés égaux
Le prêtre nigérian assure n’avoir jamais souffert de racisme en Suisse. «Peut-être que j’ai eu de la chance, mais je n’ai jamais été embêté dans les endroits où j’ai vécu», assure-t-il. Il affirme avoir toujours été traité de manière amicale, surtout, pense-t-il, grâce à son bon caractère.
Il admet cependant que beaucoup d’autres personnes n’ont pas eu cette chance. Et il condamne de toutes ses forces ce qui est arrivé à George Floyd aux États-Unis. Cet homme afro-américain a succombé par étouffement à Minneapolis (Minnesota), fin mai 2020, suite à une arrestation par la police.
Valentine Koledoye avoue que s’il devait s’exprimer face aux manifestants, il serait en peine de dire quelque chose de constructif, ne pouvant guère juger de l’ampleur du phénomène raciste en Suisse. S’il avait à le faire, il dirait seulement: «Nous avons été créés égaux par Dieu. Une personne doit être considérée en vertu de ses actes et non de sa couleur de peau».
Un long processus de reconnaissance
Il voit en tout cas sa nomination comme vicaire épiscopal dans le diocèse de Bâle comme un signe fort que le racisme n’a pas sa place dans l’Église. Dans l’environnement multiculturel de la ville, il n’a jamais ressenti qu’on le traitait de façon différente. Mais Valentine Koledoye a également travaillé en campagne, «et là j’ai ressenti que j’étais un étranger». Une attitude qu’il n’associe cependant pas à du racisme. «Dans ces milieux, il est important d’entrer en dialogue, car les personnes ne sont pas encore familiarisées avec les nouveautés que les arrivants d’autres cultures apportent». Dans son pays d’origine, le Nigeria, de telles expériences d’ostracisation existent également. Elles peuvent toucher par exemple les personnes du nord du pays lorsqu’elles vont au sud.
«Nous sommes actuellement dans un processus qui s’étend sur plusieurs générations. Nous sommes dans une recherche commune de solutions». Il y a cent ans, très peu de personnes originaires d’Afrique vivaient en Suisse. Aujourd’hui, la société est en marche vers l’acceptation de cette réalité où l’on dit: «D’accord, l’autre n’a pas la même couleur de peau que moi, mais je l’aime quand même. Maintenant, nous devons construire tous ensemble la Suisse de demain». Il espère que la grande ouverture d’esprit de la Suisse lui permettra de devenir un modèle pour une forme «d’Etats-Unis du monde». La politique et la société doivent s’efforcer de se diriger dans cette «voie positive», assure-t-il. (cath.ch/kath/gs/rz)