Un Jurassien en « mission » au pays des mille collines
st un peu par hasard que Gérard Fridez s’est rendu au Rwanda et qu’il y est retourné quelques années plus tard. Aujourd’hui, après cinq voyages, non loin de Kigali, la capitale du pays, l’ancien sacristain de Moutier apporte régulièrement un soutien financier et logistique à une communauté de religieuses, afin de l’aider à scolariser les enfants pauvres de la région et à insérer des filles-mères rejetées par leur famille. Rencontre avec un voyageur au grand cœur.
Une pochette de documents à la main, Gérard Fridez parle avec enthousiasme du voyage qu’il vient d’effectuer à Karenge, au Rwanda. En Kinyarwanda, la langue nationale, Karenge signifie « petite empreinte » et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ancien sacristain « prévôtois » en a déjà laissé une belle au pays des mille collines.
« J’étais au Rwanda tout le mois de juin. Je suis rentré chez moi début juillet, très heureux d’avoir vu le nouveau bâtiment construit dans l’enceinte du couvent des sœurs Oblates du Christ Roi ».
Photos à l’appui, Gérard Fridez explique la construction de ces nouvelles salles de classe qu’il a en grande partie financée avec l’aide de Solidarité Moutier-Rwanda, une association qu’il a fondée en 2016 avec quelques amis : « Il n’y a pas de roche dans le sol de Karenge, c’est de la terre. Du coup, avant de dresser des murs en briques, il faut remplir des tranchées avec de grosses pierres – qu’il faut aller chercher dans une autre région – pour consolider les fondations. Aujourd’hui, il faudrait encore réunir environ 15'000 francs pour construire le toit du bâtiment et acheter l’équipement des salles ». Pour rassembler une partie de cette somme, Gérard Fridez va, comme il l’a déjà fait par le passé, accueillir à Moutier des sœurs du couvent de Karenge et présenter aux paroissiens et aux membres de « son » association, l’avancement des travaux : « Sœur Charlotte, la supérieure de Karenge, sera là du 26 octobre au 11 novembre 2019. Avec l’accord de la paroisse, nous ferons le point de la situation lors d’une messe dominicale, juste avant la quête. C’est d’ailleurs grâce à la générosité des Prévôtois qu’en 2018, avec mon ami Meinrad Hürlimann, nous avons pu ouvrir une classe de couture à Karenge avec une trentaine de machines à coudre que nous avons installée ».
Des cours et des repas
Lorsqu’il évoque l’Afrique, Gérard Fridez insiste sur la pauvreté qui règne dans la campagne rwandaise : « C’est un pays magnifique avec des paysages extraordinaires. Des touristes déboursent des fortunes pour voir des gorilles. Mais derrière ces images de carte postale règne la misère. Après cinq voyages au Rwanda, je suis toujours choqué par les conditions de vie des populations les plus pauvres ».
Avec le comité et les membres de l’association Solidarité Moutier-Rwanda, Gérard Fridez organise différentes actions locales ou régionales pour faire connaître son action et collecter des fonds ou des vêtements : « En marge de la scolarisation des enfants, de l’accueil et des cours de couture proposés aux jeunes filles-mères, les sœurs de Karenge offrent quotidiennement plus d’une centaine de repas ».
Gérard Fridez sort la photocopie d’un texte signé par Michel Quoist :
- Si la goutte d’eau disait :
- Ce n’est pas une goutte d’eau qui peut faire une rivière, il n’y aurait pas d’océan.
- Comme l’océan a besoin de chaque goutte d’eau, l’humanité tout entière a besoin de toi, là où tu es, unique et donc irremplaçable .
Après un temps de silence, Gérard dépose la feuille de papier : « L’extrait de ce poème signé par ce prêtre français résume parfaitement mon action en Afrique. Rien n’est vain : chaque « goutte » reçue coulera au Rwanda ».
Voyage de noces humanitaire
Après avoir passé son enfance et sa scolarité à Bure, en Ajoie, Gérard Fridez entame un apprentissage de mécanicien chez Tornos. Dans le même temps, il suit à Delémont une formation de « Frères sans frontière », une organisation catholique d’aide au Tiers-monde : « J’avais l’intention de m’engager bénévolement pour une mission de trois ans dans un pays du Sud. Mais c’est aussi à cette période que j’ai rencontré Marie, qui deviendra ma femme. Difficile alors de tout quitter pour l’étranger ».
Le couple à peine marié part alors en Outre-Mer : « C’était au début des années 70. Comme d’autres Prévôtois, nous sommes partis à la Guadeloupe pour aider sœur Renée Studer à construire un dispensaire sur les ruines de l’ancienne léproserie sur l’île de la Désirade. C’était un peu notre voyage de noces », concède, sourire aux lèvres, Gérard Fridez. « Sept mois plus tard, c’est la Tornos qui a mis fin au séjour. Il y avait du boulot. De retour à Moutier, il a fallu trouver un appartement et nous mettre en ménage ».
Deux garçons viendront agrandir la famille et la vie suivra son cours...
Patoisant dans l’âme
En 2003, Jean Baptiste Tuyishime, prêtre rwandais en remplacement d’été à Moutier, propose au sacristain-concierge de découvrir son pays. C’est ainsi que Gérard Fridez et son épouse passent plusieurs semaines à Birambo, près de Kigali : une découverte riche d’émotions…
Au début de l’année 2012, Marie est emportée subitement par une crise cardiaque. De ce tragique coup du sort, Gérard se relève grâce au soutien reçu, des mois durant, de la part de paroissiens : « C’était extraordinaire, j’étais invité à manger presque tous les jours ».
Gérard Fridez s’implique dans de nombreuses amicales et autres associations. On le retrouve même au comité de certaines d’entre elles, comme à l’Association des sacristains du Jura ou à l’Association jurassienne des hospitaliers et hospitalières de Notre-Dame de Lourdes, ainsi que de la Sainte-Cécile de Moutier. Avec Nouvelle planète, une organisation suisse d’entraide internationale, il fait des séjours de plusieurs semaines au Cameroun, à Madagascar ou au Kenya. Avec des membres de la paroisse de Moutier, il apporte du matériel et des vêtements en Roumanie.
Cet Ajoulot de naissance est aussi membre de la Fédération jurassienne des patoisants et président de l’Amicale des patoisants de la prévôté.
Rendez-vous en octobre
Gérard Fridez sursaute lorsqu’on lui demande son âge : « Pas besoin de ça ! ». Sachant que l’ex-sacristain de Moutier a pris sa retraite en 2006... on dira qu’il ne fait pas son âge. Dans l’immédiat, le porte-drapeau des hospitaliers jurassiens va enfiler son brassard rouge pour l’Assomption : « L’occasion de retrouver mes amis hospitalières et hospitaliers pour aménager la grotte d’Undervelier afin d’accueillir les malades pour la messe de l’après-midi du 15 août ».
En attendant le passage à Moutier – fin octobre – des sœurs de Karenge, Gérard Fridez va poursuivre sa quête dans la région pour recueillir chaque « goutte d’eau » destinée à « sa rivière » au Rwanda.
Pascal Tissier