Et ne nous laisse pas entrer en tentation !
En Suisse, la nouvelle version du Notre Père entre en vigueur le 1er avril… en réalité dès la veillée pascale au soir du 31 mars. Ce n’est pas un poisson d’avril ! Juste un hasard de calendrier qui veut que Pâques « tombe » sur le premier jour du mois d’avril. L’emploi de cette modification, initialement prévu pour l’avent 2017, a été reporté pour permettre à toutes les Eglises chrétiennes francophones du pays de l’introduire ensemble dans leur liturgie respective… « et ne nous laisse pas entrer en tentation ».
À partir de Pâques, 1er dimanche d’avril, en Suisse romande, la nouvelle traduction du Notre Père remplacera de manière officielle l’ancienne formulation dans toute forme de liturgie publique. La décision de modifier la prière du Seigneur n’allait pas de soi : d’abord parce qu’elle est la prière la plus mémorisée par les fidèles, ensuite parce que la traduction en usage a fait l’objet d’un consensus œcuménique. Il fallait donc de sérieuses raisons pour ce changement. Voici en substance, l’analyse de Jacques Rideau, ancien directeur du Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle (SNPLS), directeur au Séminaire français de Rome :
Fidélité au texte grec
Il faut d’abord dire que ce verset est très complexe à traduire. Les exégètes estiment que derrière l’expression en grec du texte de Mt 6, 13 et Lc 11, 4 se trouve une manière sémitique de dire les choses. Aussi, la formule en usage depuis 1966, « ne nous soumets pas à la tentation », sans être excellente, n’est pas fautive d’un point de vue exégétique. Mais il se trouve qu’elle est mal comprise des fidèles à qui il n’est pas demandé de connaitre les arrière-fonds sémitiques pour prier en vérité la prière du Seigneur. Beaucoup comprennent que Dieu pourrait nous soumettre à la tentation, nous éprouver en nous sollicitant au mal. Le sens de la foi leur indique que ce ne peut pas être le sens de cette sixième demande. Ainsi dans la lettre de Saint Jacques il est dit clairement : « Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : "Ma tentation vient de Dieu", Dieu, en effet, ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne » (Jc 1, 13). D’où la demande réitérée d’une traduction qui, tout en respectant le sens du texte original, n’induise pas une fausse compréhension chez les fidèles. (...)
La nouvelle traduction, « Ne nous laisse pas entrer en tentation », écarte l’idée que Dieu lui-même pourrait nous soumettre à la tentation. Le verbe « entrer »» reprend l’idée ou l’image du terme grec d’un mouvement, comme on va au combat, et c’est bien du combat spirituel dont il s’agit. Mais cette épreuve de la tentation est redoutable pour le fidèle. Si le Seigneur, lorsque l’heure fut venue de l’affrontement décisif avec le prince de ce monde, a lui-même prié au jardin de Gethsémani : « Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi », à plus forte raison le disciple qui n’est pas plus grand que le maître demande pour lui-même et pour ses frères en humanité : « Ne nous laisse pas entrer en tentation ».
D'où vient le Notre Père ?
On trouve cette prière dans deux évangiles : chez Matthieu (6,8b-13), et chez Luc (11,2b-4). Chez Luc, c’est en voyant Jésus prier que ses disciples lui ont demandé : « apprends-nous à prier ». Jésus leur donne la prière du Notre Père. C'est la prière de Jésus qui nous permet de prier Dieu à la manière de Jésus, le Fils de Dieu. C’est donc la prière de tous les enfants de Dieu.
Quelle est la version originale du Notre Père ?
Jésus parlait araméen, la langue locale. Les évangiles ont été écrits en grec, la langue administrative de l’époque, car leurs auteurs voulaient que le plus grand nombre de personnes les comprenne. Entre 382 et 420, saint Jérôme a traduit la bible en latin, la langue la plus répandue à l’époque, pour qu’un grand nombre de croyants puissent entendre la bible. La 6e demande est en latin : « et ne nos inducas in ». Cette version latine n’est pas modifiée et reste en usage. Puis, au cours des siècles, chaque pays a traduit dans sa langue la bible à partir du latin. En Français, il y a eu plusieurs traductions. Celle qui était utilisée jusqu’à maintenant (et ne nous soumets pas à la tentation) datait de 1966. Dorénavant ce sera donc : « et ne nous laisse pas entrer en tentation ».
Introduction de la nouvelle traduction française du « Notre Père »
Communiqué de presse du 27 mars 2018
Les Églises chrétiennes – catholique, réformées et évangéliques – de Suisse romande introduiront une modification dans la traduction de la prière « Notre Père » à l’occasion de Pâques. Déjà appliquée en France et dans d’autres pays francophones, cette nouvelle traduction a été l’objet d’une large consultation entre les différentes Églises romandes, dans un esprit œcuménique.
Initialement prévue lors de la période de l’avent 2017, l’introduction de la nouvelle traduction a été repoussée à Pâques 2018 en Suisse, afin de permettre aux Synodes des Églises réformées romandes et au Réseau évangélique de se rallier à la modification du « Notre Père » déjà approuvée par la Conférence des évêques suisses.
En optant pour une nouvelle traduction commune et en l’introduisant simultanément dans leur liturgie, les Églises signataires de ce communiqué réaffirment leur volonté d’œuvrer dans un esprit d’unité. Alors que la première traduction œcuménique du « Notre Père » avait été introduite en 1966 en Suisse romande, toutes se réjouissent que l’ensemble des fidèles puisse ainsi continuer à prier de la même manière la prière universelle enseignée par Jésus.
Les communautés célébrantes sont invitées à prier le « Notre Père » selon la nouvelle formule au matin de Pâques, marquant ainsi son introduction officielle.