Largués! combien sont-ils aujourd’hui ceux et celles qui se sentent largués car ils ont perdu leur travail, leur santé, parce que leur couple a éclaté et que le rythme de la société les laisse au bord du chemin. Bartimée a-t-il quelque chose à leur dire?
Bartimée… un aveugle, esclave des ténèbres,
assis, dans une position statique et passive,
au bord de la route, en marge de la société,
mendiant, il n’assume pas son existence, il vit dans la dépendance.
N’est-il pas comme mort? Et pourtant, demeure en lui une aspiration à la vie, un certain ressort qui le fait crier quand Jésus approche, un désir ardent, une espérance folle.
Pour bien comprendre l’histoire de Bartimée, il peut être utile de la replacer dans le contexte des lectures des dimanches précédents. Elle vient après celle des disciples Jacques et Jean qui demandaient à Jésus les premières places dans le Royaume. Bartimée n’est pas disciple de Jésus, mais mendiant et aveugle sur le chemin. Elle vient après celle du jeune homme riche, vertueux, fidèle, pratiquant. Lui n’est pas pratiquant selon la Loi, il reste assis et il mendie. Comme les parents qui présentaient leurs enfants à Jésus pour être bénis ont été refoulés par les disciples, lui est rabroué par la foule.
Mais une fois guéri, aussitôt, il se met à suivre Jésus sur le chemin, un chemin qui conduit vers Jérusalem et le Golgotha. En lui, Jésus a trouvé le disciple parfait qui se met à sa suite sans poser de questions, sans exigences.
Et nous? Ce ne sont ni les disciples ni le jeune homme riche que l’évangile nous donne en modèle, mais l’enfant et l’aveugle démuni, ceux que les disciples ont cherché à éloigner de Jésus. De quoi nous conduire à une approche humble des pauvres, des démunis, ceux des périphéries dont parle sans cesse le pape François et que de fait Jésus privilégie. Et un jour peut-être, aurons-nous un cœur de pauvre… Mais pour cela, encore faut-il comme notre Bartimée, oser rejeter notre manteau (qui est toute la richesse du pauvre), notre manteau de suffisance et de cécité.
Mais la guérison de cet aveugle n’est pas le seul miracle de cet épisode. Regardons mieux la foule. Elle veut faire taire cet homme misérable, elle le dédaigne et le rudoie avec mépris. Qu’il se taise! mais lui ne crie que plus fort. Etonnamment, Jésus l’entend malgré le brouhaha général, mais il ne lui répond pas directement, c’est à la foule qu’il s’adresse: «Appelez-le». Alors, le mur de domination, l’attitude d’exclusion s’effondre pour faire place à la restauration de ces cœurs endurcis. Guéris eux aussi, convertis, ils deviennent capables de dire: «Confiance, lève-toi; il t’appelle».
L’appel de Jésus veut passer par les disciples, par la foule. Il leur confie une mission, qui est la mission de l’Eglise: appeler! Appeler à la confiance, à avoir foi en Celui qui peut tout: guérir un aveugle et retourner les cœurs.
Autour de nous, combien sont en bordure du chemin et crient de façon étrange en s’adonnant à la drogue, en tombant dans l’alcool, en devenant boulimique ou anorexique, en s’enfermant dans leur monde. Qui saura s’arrêter pour entendre leur désir de retrouver la vie?
Et nous, quel est notre désir? Avons-nous un vrai désir?
Sœur Véronique | Vendredi 24 octobre 2021
Mc 10, 46b-52
En ce temps-là,
tandis que Jésus sortait de Jéricho
avec ses disciples et une foule nombreuse,
le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait,
était assis au bord du chemin.
Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth,
il se mit à crier :
« Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »
Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire,
mais il criait de plus belle :
« Fils de David, prends pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit :
« Appelez-le. »
On appelle donc l’aveugle, et on lui dit :
« Confiance, lève-toi ;
il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau,
bondit et courut vers Jésus.
Prenant la parole, Jésus lui dit :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
L’aveugle lui dit :
« Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
Et Jésus lui dit :
« Va, ta foi t’a sauvé. »
Aussitôt l’homme retrouva la vue,
et il suivait Jésus sur le chemin.