« L’Eglise doit sortir de la sacristie »
Rencontre avec l’abbé Georges Schwickerath, successeur d’Arno Stadelmann, vicaire épiscopal pour la région diocésaine Sainte-Vérène depuis six mois.
Que fait un vicaire épiscopal ?
C’est un travail d’équipe. Il y a, au sein du vicariat épiscopal de la région diocésaine Ste-Vérène, Mme Edith Rey, responsable, et l’abbé Jean Jacques Theurillat, vicaire épiscopal pour le Jura pastoral. A nous trois, nous représentons l’évêque de Bâle, Mgr Felix Gmür, dans les cantons de Berne, Jura et Soleure. Ceci par rapport à l’Eglise nationale, vis-à-vis des paroisses et des collaborateurs dans les paroisses. Les vicaires épiscopaux ont le droit de confirmer les jeunes, ce qui me procure une grande joie. Et on est également membres du Conseil épiscopal, donc collaborateurs proches de l’évêque. Ensemble, nous débattons de thèmes et projets pastoraux importants et assumons aussi des responsabilités au sein du service du personnel. Et puis, nous essayons de garder le contact avec la base.
La pastorale ne vous manque pas trop ?
Oui. Heureusement qu’il y a les confirmations, des liturgies à présider et des installations de prêtres ou agents pastoraux ainsi que d’autres tâches que l’évêque nous confie. Mais c’est vrai que la pastorale de tous les jours me manque : on n’a plus de baptêmes, ni d’enterrements et on n’a plus le même contact avec les paroissiens. Quand on est prêtre, on est un peu comme en famille dans sa paroisse. A présent, dans mes nouvelles fonctions, je viens de l’extérieur, j’arrive quelque part puis je repars…
Et comment vivez-vous cela ?
C’est vraiment un grand changement ; une toute autre perspective. Notre pastorale est d’aider les agents pastoraux à bien faire leur travail ; contrairement à ces derniers qui, eux, ont les paroissiens comme interlocuteurs. Mais on reste dans le relationnel et on reste des aumôniers.
Quelles sont vos impressions après six mois ?
Je suis vraiment content de l’ouverture des gens. On m’a bien accueilli partout. Je découvre la complexité de notre diocèse. On travaille sur trois cantons et on a trois systèmes différents du point de vue de l’Eglise nationale, du Synode et du fonctionnement des paroisses. Et en plus, dans notre Conseil épiscopal, on a tout le diocèse ; c’est-à-dire dix cantons et toute la complexité que cela suppose. Et nous avons deux langues officielles : l’allemand et le français. Bien que minoritaire, la partie francophone a toute son importance. Elle enrichit véritablement notre diocèse. Comme j’ai un faible pour la langue française, cela me réjouit, évidemment. Sans oublier la présence des autres communautés linguistiques comme les Missions.
Vous venez du Luxembourg. Le plurilinguisme, vous connaissez…
Oui ! On y parle surtout le luxembourgeois et le français, mais aussi l’allemand. Il est fréquent là-bas de commencer une phrase dans une langue puis de poursuivre spontanément dans une autre. C’est passionnant. Dans une ville plurielle comme Bienne, je ne me sens donc pas dépaysé. En plus, le bureau de la direction diocésaine se trouve en face de la gare ; un lieu bien animé et central. Oui, le pluriculturel me ravit tout à fait !
Comme se passe la collaboration au sein de ce bureau ?
Nous avons des échanges fructueux. Nous sommes quatre à gérer le vicariat épiscopal : Mme Edith Rey, l’abbé Jean Jacques Theurillat, le secrétaire Aurelio Citro et moi-même. Je collabore directement avec Mme Rey car nous sommes dans le même bureau, mais j’ai aussi des rencontres régulières avec l’abbé Jean Jacques Theurillat.
Nous voici en 2020. Quels sont les défis pour notre région diocésaine ?
Le manque de collaborateurs reste notre problème majeur. Nous n’avons pas assez de prêtres ni de théologiens ou théologiennes, ni de catéchistes. C’est un grand souci. Et l’Eglise doit se positionner face aux grandes questions de notre époque. Le christianisme n’est aujourd’hui plus une évidence ; il y a de grands changements avec lesquels l’Eglise doit vivre et au sein desquels elle doit chercher des solutions. Il nous faut créer des synergies ; faire en sorte de répondre aux besoins des gens. Je suis convaincu qu’ils sont en quête de sens et de certitudes. Et qui, mieux que l’Eglise ou la foi, peut assouvir une telle soif ? Mais cela doit pouvoir se faire d’une manière adéquate.
Comment donc les encourager à aller puiser ce sens dans la foi ?
Jésus a répondu à Pierre : « Venez voir ! » On ne peut pas expliquer l’Eglise. Il faut venir et voir. En sentir l’Esprit. Mais, à son tour, l’Eglise doit sortir de la sacristie pour rencontrer les gens là où ils sont. Le profil d’un vicaire épiscopal d’aujourd’hui est bien différent de ce qu’il était par le passé. On est dans la vie, en contact quotidien avec les gens les plus différents ; un esprit d’écoute et de collaboration s’est développé. C’est enrichissant. Notre devoir premier, c’est vraiment de rencontrer les gens, de les écouter et de chercher des réponses avec eux.
Du côté francophone, dans notre diocèse, on vous connaît un peu moins …
J’essaie de participer à des célébrations officielles dans le Jura ; je l’ai du reste déjà fait. Je suis allé à Notre-Dame du Vorbourg, à l’installation diaconale de Patrick Godat ; et j’ai des confirmations cette année dans le Jura pastoral. Je découvre peu à peu !
Quelles sont les différences essentielles entre l’Eglise du Luxembourg et la nôtre ?
Là-bas, on ne connaît pas le système de l’Eglise nationale. Il y a aussi une grande séparation entre l’Eglise et l’Etat. Et la manière de vivre l’Eglise est toute autre qu’en Suisse. Ici, l’Eglise est plus vivante. Quand je célèbre une Eucharistie au Luxembourg, je ne perçois pas ce dynamisme. Là-bas, l’Eglise est plus pauvre et c’est un grand défi pour elle de parvenir à payer ses agents pastoraux. La dimension économique n’est pas à négliger…
Que souhaitez-vous à notre Eglise et à notre diocèse ?
La force et l’élan de Pentecôte. Oser sortir et proclamer l’Evangile car nous avons une Bonne Nouvelle à proclamer. Je suis convaincu que notre époque a vraiment besoin d’une bonne nouvelle parmi toutes les mauvaises qui nous engloutissent et nous font peur. La foi est une force qui est en chacun de nous. A nous de la découvrir.
Propos recueillis par Christiane Elmer