25 janvier 2024
Une table-ronde réunissant sociologues, théologien.ne.s et historien s’est tenue ce mercredi 17 janvier dernier à l’Hôtel-Dieu de Porrentruy (MHDP). Ce moment d’échange autour de la question Décroissance de la foi : une évolution inéluctable ? s’inscrivait dans le contexte d’animations et de présentations proposées par le musée de l’Hôtel-Dieu en lien avec l’exposition Ici & l’au-delà qui traite de la religion en Ajoie du 18ème siècle à nos jours.
Les cinq intervenant.e.s présents lors de la soirée organisée par le musée de l'Hôtel-Dieu à Porrentruy sur le thème : La décroissance de la foi : une évolution inéluctable ? | de gauche à droite : M. Jean Kellerhals, Mme Marie-Josèphe Lachat, M. Christophe Monnot, M. Philippe Charmillot et M. Michel Hauser
Pour comprendre d’où vient cette perte de vitesse que connait actuellement la foi, cinq spécialistes sont intervenu.e.s durant la soirée : Mme Marie-Josèphe Lachat, théologienne en pastorale ; le responsable du Service de la pastorale des famille, M.Philippe Charmillot ; Le sociologue et ancien Professeur honoraire de l’Université de Genève, M. Jean Kellerhals ; M. Christophe Monnot, chercheur à l’Institut des sciences sociales des religions de l’Université de Lausanne et Maître de conférences en sociologies des religions à l’Université de Strasbourg ainsi que M. Michel Hauser, historien et ancien chef de l’Office jurassienne de la culture.
Une décroissance avérable, vérifiable et quantifiable ?
Au travers de l’exposition proposée par le musée de l’Hôtel-Dieu de Porrentruy depuis novembre 2023 et qui sera visible jusqu’au 14 avril 2024, le constat est clair : jusqu’au milieu du 20ème siècle, la religion animait la vie de l’Ajoie d’une manière que nous ne connaissons plus aujourd’hui. Qu’est-ce qui a amené à un tel changement ? Le sociologue Christophe Monnot explique qu’il s’agit d’un phénomène générationnel. En effet, selon les statistiques, il semblerait que plus les personnes sont âgées, plus la norme sociale est d’être affilié à l’Eglise, ce qui ne semble pas être le cas chez les plus jeunes. Il est donc intéressant de se questionner sur les débuts de cette décroissance. Le sociologue parle d’un tournant des années 50-60 qui marque un changement social et culturel encore fortement présent aujourd’hui : élévation de l’éducation, élévation de la rationalité ou encore augmentation de l’individualisme et de la laïcité dans les écoles. Ainsi, les systèmes d’autorité dont faisait partie l’Eglise sont remis en question et explosent ne plaçant plus la chrétienté comme une référence. A lépoque, la religion était dominée par l’angoisse du pêché et l’idée de sanction. Cependant, les dogmes mis en place par cette Eglise autrefois autoritaire ne semblent plus être en accord avec les besoins spirituels de la société d’aujourd’hui.
Une chute de religion ou de foi ?
D’après Philippe Charmillot, pour comprendre ce phénomène, il est important de faire la différence entre foi et religion : La foi est une adhésion personnelle et libre. La religion quant à elle est un ensemble de croyances et de dogmes qui définissent le rapport de l’homme avec le sacré. Ainsi, selon le responsable du Service de la pastorale des familles, la pratique religieuse semble quantifiable. En revanche, il n’existe pas encore d’outil permettant de mesurer cette foi personnelle et intime. En effet, certaines personnes peuvent avoir la foi mais ne pas se reconnaître dans une institution. Il semble donc important de se poser la question suivante : est-ce la foi qui est en décroissance ou la religion ? D’après les chiffres présenter par M. Monnot, la religion semble régresser mais concernant la foi, il est plus difficile de se prononcer.
La décroissance de la foi : une évolution inéluctable ?
Lors de cette soirée, les intervenant.e.s s’accordent à dire que cette décroissance de la religion est inévitable. Bien que cette dernière semble connaitre une disparition progressive, la foi quant à elle n’est pas prête de disparaitre. Car comme le souligne Jean Kellerhalls, ce besoin de spiritualité, de construire le monde et de lui donner du sens en se référant éventuellement à une puissance métaphysique se manifeste encore fortement aujourd’hui.
Dans sa Lettre pastorale du 21 janvier 2024, Mgr Felix Gmür Évêque de Bâle écrit que l’institution de l’Eglise ne peut pas continuer ainsi. Les changements pour un Eglise plus en accord avec les enjeux de la société actuelles a déjà commencé au travers du Synode qui invite les chrétiens à marcher ensemble que l’on soit clerc ou laïc, homme ou femme, riche ou pauvre.
Finalement, cette table-ronde sur la décroissance de la foi a permis d’éclairer sur les raisons de la chute de cette religiosité sous cette forme-là. Mais elle a également permis de prendre conscience que la foi chrétienne s’exprime dans les petits gestes et dans l’engament pour un monde plus égalitaire. Ne serait-ce pas ça le souhait du Christ ? Etre auprès des plus démunis.