Vu dans L'Impartial du mercredi 21 septembre 2016
Jura pastoral - En 2014, Romain Gajo a été mandaté par son évêque pour qu’il se consacre au service de libération et d’exorcisme. Il prévient : tous ceux qui se déclarent possédés ne le sont pas.
Après avoir servi dans l’armée pour sauver les victimes de catastrophes naturelles, Romain Gajo a aujourd’hui charge d’âmes. Photo Robert Siegenthaler / Agence Bist
« Un jour que je bénissais une dame venue me parler de ses souffrances morales, je l’ai surprise en train de me regarder par en dessous, avec des yeux... qui, l’espace d’un instant, n’ont pas été les siens», mais ceux d’une présence maligne.
«Et pendant notre discussion – elle désirait me confier son malêtre –, plusieurs fois, les inflexions de sa voix avaient changé. Suite à notre premier rendez-vous, je ne l’ai jamais revue.»
Après une maîtrise de coiffeur, Romain Gajo a lutté contre l’ennemi, d’abord dans l’armée. «J’ai gravi les échelons militaires jusqu’au grade de colonel.» Il a officié en pleines catastrophes naturelles, en tant que sauveteur. Visiblement, les terrains minés et difficiles, où le salut de chacun compte, ne l’effraient pas.
Aujourd’hui il porte un nouveau type d’uniforme. Celui de prêtre. Et il s’attaque à un autre genre d’adversaire. Il a reçu de son évêque le mandat de libération spirituelle et d’exorcisme dans le cadre du Jura pastoral. Entendez par là, la partie francophone du diocèse de Bâle qui comprend celle du canton de Berne. « Nous sommes deux à exercer ce ministère en Suisse romande, mon homologue étant nommé pour le diocèse de Lausanne Genève et Fribourg. Le diocèse de Sion devrait bientôt désigner un troisième prêtre exorciste.»
Les signes d’un cas de vraie possession? « Ils peuvent se manifester, chez quelqu’un, par une sainte horreur des symboles religieux, par des capacités de voyance allant jusqu’à l’évocation des détails de la vie d’autrui que nul ne peut savoir, sauf le concerné.
La personne s’exprime en des langues étrangères qu’elle ne connaît pas, peut subir des modifications saisissantes d’intonation, léviter, et même cracher des clous. Ça s’est observé déjà. »
Mais l’abbé Gajo précise illico que ces cas ne représentent qu’un dixième environ des gens qui se disent victimes d’un maléfice démoniaque. Un diagnostic que se posent bien trop immédiatement, selon son expérience, les hommes et les femmes, inquiets des affres qu’ils ressentent.
« Car dans 90% des cas, la souffrance est plus morale, insidieuse, issue de ruptures, de failles existentielles, d’épisodes douloureux, de tourments intérieurs. Le Mal s’en sert en tant que leviers dans le but de déséquilibrer l’individu. » Il décrit encore « le Mal, se glissant dans les fêlures, nées des passions indomptables, des vices, des faiblesses, des tendances à poser des actions plutôt négatives que positives».
Face à ces situations, l’abbé Gajo recourra alors à des échanges, une fois par mois en moyenne. «Histoire de travailler sur les maux à guérir au plus profond de l’âme. On réalise aisément à quel point parfois, il faut donc déployer de la patience, prendre le temps de remettre les choses à plat, pour réussir à soigner ces plaies psychologiques. »
A ce stade, il confère des prières de libération aux concernés. «A formuler, en y croyant, en y adhérant de tout son cœur, et pas juste à réciter, telles des formules magiques. Ce que plein de monde imagine, sous l’influence des aventures de Harry Potter, et des contes de fées à baguettes exauceuses de vœux. »
Ere «satanique»
Ou il les convie au sacrement de réconciliation, « qui consiste à faire renouer nos interlocuteurs avec la foi, à les inviter à renforcer cette dernière, et à un moment donné, le Mal ne pourra que lâcher prise. » Titulaire d’un doctorat en théologie et nanti d’une formation psychothérapeutique pour aider ses ouailles, l’abbé Gajo souligne l’importance, au sein de ses activités religieuses, de l’existence du service d’écoute spirituelle et de libération, le Sedes. « Un groupe où nous collaborons non seulement entre prêtres exorcistes, mais également avec une religieuse, une animatrice laïque spécialisée dans l’accompagnement de personnes en difficulté dans les milieux psychiatriques, et une psychiatre. »
Ce qu’il considère particulièrement infernal, actuellement ? « Que l’on prône à fond la laïcité, que l’on diabolise les religions, les accusant d’aliéner l’homme, en brandissant comme arme, l’extrémisme musulman ou l’Inquisition. Oui, certains sur cette Terre vivent et interprètent mal leur religion, et c’est Dieu qui en fait les frais. Dire que toutes sont en soi intrinsèquement mauvaises ou destructrices, afin de briser le lien entre les êtres humains et Dieu est profondément satanique. »
Sylvia Freda
Cet article a été publié dans les médias papier du groupe "ARC presse", soit: L'Express, L'Impartial, Le Journal du Jura et le site www.arcinfo.ch
L'abbé Romain Gajo a aussi fait l'objet d'un article dans l'Angelus... à lire ICI !