Echanges autour de « Amoris Laetitia »
Mercredi 16 novembre 2016, accompagné du vicaire épiscopal Jean Jacques Theurillat, l’évêque diocésain Mgr Felix Gmür a rencontré à Tavannes les agents pastoraux du Jura pastoral pour une discussion sur les conséquences pastorales d'"Amoris Laetitia" (La joie de l'amour), l'exhortation apostolique post-synodale du pape François. Un document sur l’amour dans le couple et la famille visant à considérer la vie des familles - par-delà la pluralité des situations vécues – non pas comme un problème, mais comme une opportunité de croissance.
Publiée en avril 2016, cette exhortation du pape François est le fruit d’une vaste consultation auprès des familles chrétiennes d’aujourd’hui. Chez les uns, « Amoris Laetitia » a suscité beaucoup d’enthousiasme. Les gens de tous horizons étaient ravis de voir leur réalité familiale prise en compte. Chez d’autres, la parution du document a soulevé un vent de scepticisme. Comment concilier un certain idéal, prôné par l’Eglise, et la moins rutilante réalité familiale d’aujourd’hui ? Comment passer de l'intention à la pratique ? C’est pour tenter de tracer des pistes pastorales à ces questions que l’évêque diocésain a tenu à rencontrer tous les agents pastoraux de l’évêché. « Et pour vous, dans votre pastorale du Jura pastoral, quelles pourraient être les retombées de « La joie de l’amour » ? » a demandé Mgr Felix Gmür en guise de préambule. « Il y a là des thèmes pastoraux, tout à fait pratiques, qui nous concernent tous puisqu’il s’agit de la façon dont les gens se sentent partie prenante de l’Eglise. S’y sentent-ils inclus ou exclus ? Comment proposons-nous la foi dans nos familles, dans nos relations ? »
Après une introduction au thème, l’évêque a invité les agents pastoraux présents à former plusieurs groupes et à échanger autour de trois questions bien précises, soulevées par l’exhortation. Quelles sont les tâches des agents pastoraux dans la formation de la conscience? Quels sont les défis des rencontres et dialogues pastoraux, surtout dans le contexte de la préparation au mariage? Y a-t-il un nouveau cadre d'orientation pour la pastorale? « Au regard de ce document apostolique, voyez ce qui pourrait être entrepris concrètement dans votre unité pastorale. »
Partir du concret et tracer un chemin d'intégration
L’évêque a rappelé que l’amour était au centre de toute relation. Au centre aussi de ce document papal. « Mais le pape est réaliste. Parfois, l’amour apparaît comme un idéal qui ne peut être concrétisé comme on l’aurait souhaité.» Reste alors à considérer la personne, le couple, la famille, la relation, tels qu’ils sont. L’idéal, cependant, doit avoir un lien avec la réalité, même si, nous le savons bien, "il n’y a pas de mariage absolument idéal ». Et qu’en est-il des situations de vie dites irrégulières, celles qui ne correspondent pas aux modèles et canons établis ? "Qu’est-ce que ça veut dire, en somme, "régulières" ou "irrégulières", s’est interrogé Mgr Gmür, le sourire aux lèvres. Dans cette exhortation, le pape change un peu de perspective et ouvre un chemin d’intégration. "
Rappelant que tout baptisé est déjà intégré, l’évêque a rappelé que l'Eglise est un chemin d'intégration ayant également pour mission l’éducation des consciences. Dans l’émergence de situations familiales de plus en plus complexes et particulières, on court le risque des extrêmes : se figer dans une attitude rigoriste ou… laxiste. « Un processus de conscientisation doit se faire, pour réévaluer une décision, peser les risques et les conséquences de telle ou telle option. Ce qui compte finalement, c’est que la personne ne se sente pas exclue et que le message de l'Evangile reste crédible ».
Une réflexion et une application à poursuivre
"J'invite les fidèles qui vivent des situations compliquées à s'approcher avec confiance de leurs pasteurs ou d'autres laïcs vivant dans le dévouement au Seigneur, pour s'entretenir avec eux" écrit le pape François dans son exhortation (366). Et, plus loin: "Et j'invite les pasteurs à écouter avec affection et sérénité, avec le désir sincère d'entrer dans le cœur du drame des personnes, et de comprendre leur point de vue, pour les aider à mieux vivre et à reconnaître leur place dans l'Eglise."
Parmi les options qui se dessinent: offrir un meilleur accompagnement aux gens, aux couples, aux familles, pas seulement avant le mariage, mais après. Miser sur une qualité des rencontres plutôt que sur la quantité. Parfois, ont relevé certains agents pastoraux, le texte d'"Amoris Laetitia" vient conforter une pratique pastorale qui existe déjà sur le terrain. "L'accent est peut-être davantage à mettre sur l'individu, au cas par cas, que sur la communauté" a conclu l'évêque. "Nous sommes dans une culture du cheminement."
Christiane Elmer
Texte et photos