Dans la série des conférences intitulée « Ce que je crois », Lytta Basset a fait salle comble mercredi 12 novembre 2014 au Centre Saint-François à Delémont. Invitée par le Service du cheminement de la foi, la professeure de théologie protestante s’est confiée durant deux heures sur ses convictions et sur « ce qu’elle croit ».
« Il est toujours plus facile de croire lorsque tout va bien. C’est moins évident lorsque des traumatismes de l’enfance ressurgissent ou que l’on est frappé brutalement par la mort d’un proche. J’ai vécu des moments douloureux au cours desquels tout s’effondre. Ce que je crois, c’est que seules les relations humaines m’ont sauvée, m’ont permis de me relever ».
Les confidences ont été nombreuses et l’émotion perceptible, mercredi soir, lors de la conférence de Lytta Basset au Centre Saint-François à Delémont. Malgré sa taille respectable, la chapelle de cette maison diocésaine n’a pas suffit pour accueillir toutes celles et ceux qui étaient venus écouter la célèbre théologienne protestante : une partie des spectateurs était rassemblée dans une salle adjacente où la conférencière apparaissait sur grand écran.
En 2007, dans « Ce lien qui ne meurt jamais », Lytta Basset raconte comment elle a surmonté la mort tragique de l’un de ses enfants. Avec du recul, elle commente ses notes quotidiennes rédigées après le drame et tente de les interpréter à la lumière de la psychologie et des Evangiles.
A Delémont, assise devant l’autel de la chapelle, Lytta Basset est revenue sur cette période sombre. Début mai 2001, le fils aîné du couple de théologiens protestants Lytta et Jean-Claude Basset met fin à ses jours en se jetant d’une tour. Il avait 24 ans. « Samuel faisait ses études à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, mais il n’allait pas bien. Lors d'un voyage en Amérique latine, après l'absorption d'une drogue, Samuel fait une grave crise de délire. Je pense qu’on lui a versé une substance frelatée dans son verre. Quoi qu’il en soit, son état s’est aggravé et il a été incapable de reprendre ses études ». Ce drame est une explosion : « C’est une véritable bombe atomique. J’avais l’impression d’être maudite… d’être victime d’une malédiction. Maintes fois on m’a répété « on ne s’en remet jamais ». On me demandait même si j’avais perdu la foi. J’étais anéantie et je me demandais chaque soir si je parviendrais à me lever le lendemain matin ».
« Nos » morts ont une vie intense
Agée de 64 ans, Lytta Basset conjugue sa foi avec ses expériences : « S’interroger sur sa vie, c’est déjà de la spiritualité. Aujourd’hui, je suis convaincue qu’il est vital d’avoir au moins une personne à qui se confier… une personne à l’écoute, capable d’entendre. Dans mon cas, c’est la confiance dans l’autre qui m’a sauvée. Ce sont les relations humaines qui, après les épreuves, m’ont ramenée chez les Vivants. Je crois à un Dieu qui se manifeste à travers les Humains qui m’ont aidée ».
Un jour, Lytta Basset s’entend dire : « une personne enterrée, c’est du compost ! » La professeure de théologie a un autre point de vue : « ce que j’ai expérimenté, c’est que « nos » morts ont une vie bien plus intense que la nôtre… Le lien demeure et « nos » morts se manifestent dans la pensée, dans les souvenirs, dans les rêves. Ils sont bien plus vivants que nous… le Christ aussi ».
A une époque « difficile » de sa vie, alors qu’elle est en voyage en Afrique, Lytta Basset vit une étrange expérience : « J’étais sur un bateau à Djibouti, j’étais déprimée. Je monte sur le pont supérieur pour m’isoler et prendre l’air et là, le Christ m’apparaît. D’un coup je me suis sentie en paix avec moi-même et aimée comme jamais. Une autre fois, alors que j’étais à l’enterrement de mon père, un ami a mis fin à ses jours. Bouleversée par cette nouvelle, j’ai entendu le Christ me dire « même moi, Jésus, je n’ai pas réussi à sauver Judas ».
Ce que je cherche
Professeure à la Faculté de théologie de Neuchâtel, Lytta Basset est née en 1950 en Polynésie française, d’un père pasteur missionnaire et d’une mère poète : « J’ai pris conscience très tard que j’avais été isolée durant toute mon enfance. A 33 ans, je me suis rendu compte que je n’avais aucun souvenir de ma petite enfance, jusqu’à dix ans. Je ne me souvenais pas de ce que j’avais vécu avec mes parents, comme si j’avais enfoui mes souvenirs sous une chape de plomb. Je ne serais certainement plus là si je n’avais pas entrepris une psychanalyse - qui s’est étalée sur quinze ans - pour mettre au jour ce que j’avais « amnésié » jusque-là.
« Dans mon prochain livre, je développerai un sujet sur la quête de Dieu. Ce ne sera pas « ce que je crois », mais « ce que je cherche ». La solitude tue des enfants. Quand Dieu a créé Adam, il savait que cette créature humaine ne pouvait pas rester seule… Chacun vit sa propre solitude. Elle est unique. Je crois à la relation avec l’autre, elle est vitale. »
Depuis la publication de son premier livre, « Le Pardon originel », en 1994, Lytta Basset a signé une quinzaine d’ouvrages aux titres évocateurs dont « Le Pouvoir de pardonner » (1999), « Sainte colère » (2002) ou « Oser la bienveillance », paru cette année et dans lequel elle évoque l’abandon du dogme du péché originel.
Mercredi soir à Delémont, Lytta Basset s’est confiée avec sincérité : toutes les personnes présentes auront compris qu’elle croit en Dieu et en la psychanalyse. C’est ce qui lui a permis de surmonter ses souffrances et ses doutes pour apparaître aujourd’hui apaisée.
Pascal Tissier