Le journal bimestriel catholique « relais » et le mensuel réformé « bonne nouvelle » ont publié un article en commun dans lequel ils font le portrait de Lusia Markos Shammas Asmaroo , la première femme aumônier catholique militaire de Suisse. Originaire d’Irak, elle voit son travail comme une façon de remercier son pays d’accueil.
Lusia Markos Shammas Asmaroo est la première femme aumônier catholique de l'armée suisse. Photo: Hans Merrouche
Lusia est la première et unique femme catholique à être aumônier à l’armée. Un choix qu’elle fait en 2013. « J’ai fait trois semaines d’école de recrue à Moudon, à plus de 40 ans ! Nous avions le même programme que les autres recrues, pas de traitement de faveur. Ce qui m’a touchée, c’est la camaraderie. Une armée pour promouvoir la paix dans le monde, c’est aussi ce dont j’ai toujours rêvé dans mon pays d’origine, l’Irak, ravagé par la guerre. » Lusia consacre dix jours par année à cette tâche. « L’aumônerie de l’armée s’inscrit aujourd’hui dans un cadre œcuménique, interreligieux et interculturel. Cette responsabilité sur le terrain favorise les valeurs personnelles et sociales qui permettent aux jeunes de vivre ensemble dans un esprit de solidarité et de paix. » Pas d’amour moitié-moitié Irakienne d’origine et naturalisée à Fribourg, Lusia Markos Shammas Asmaroo est mariée avec un théologien, Naseem Asmaroo, assistant pastoral à Yverdon. Ils y habitent depuis 2010. « Je tire ma joie de vivre des montagnes où j’ai vécu, entre l’Irak et la Turquie. Elle vient surtout de ma mère, qui nous apprenait à marcher en dansant et en chantant. Malgré des moments difficiles dans mon pays natal, j’ai appris que la joie découle de l’amour. Un amour total, pas moitié-moitié, comme on peut le constater par moments ici, en Suisse. » Enfant, la petite chaldéenne catholique parle l’araméen à la maison, le kurde dans la rue, l’arabe et l’anglais à l’école. « En arrivant en Suisse en 1996, j’ai dû apprendre le français. L’allemand aussi, puisque j’ai terminé ma licence en théologie biblique à l’Université de Fribourg. J’ai aussi appris l’italien. » Elle partage son temps entre l’aumônerie au Centre professionnel du Nord vaudois, au gymnase d’Yverdon et à la Haute Ecole d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud. Son bureau se trouve au Centre d’animation jeunesse œcuménique, le CAJO, où elle travaille avec son collègue réformé Frédéric Steinhauser. Nous nous rendons dans les établissements de formation, qui nous envoient aussi des jeunes isolés pour les intégrer à des groupes de jeunes ou des activités pastorales. » « Pour moi, l’œcuménisme est une passion. Ici, au CAJO, nous prenons le temps de nous apprivoiser. C’est le premier témoignage quand on travaille au nom de deux Eglises. Notre unité, notre complémentarité et notre cohésion se reflètent auprès des jeunes. C’est ça la force de l’œcuménisme. » Le rôle de Lusia est d’accompagner les jeunes dans leur recherche d’autonomie, du sens de la vie et de la dimension spirituelle de leur existence. « Mon vécu d’intégration est une riche expérience à communiquer à nos jeunes, dans notre société multiculturelle où ils sont souvent pris entre deux cultures. » Lusia vient d’un pays où quatorze rites et communautés différentes cohabitent, où être chrétien est une identité. Elle connaît bien les formes d’islam vécus dans son pays, ce qui lui apporte une expérience importante de dialogue. Ce savoir me permet de favoriser les liens entre culture et religion, dont nous avons besoin dans les établissements scolaires. »
Olivier Schöpfer