L'aventure vaticane d'Arnaud Bédat
Depuis qu'il a assisté, le 13 mars 2013 à Rome, à l'élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio sur le siège pontifical, Arnaud Bédat est devenu, dans notre pays en tout cas, le spécialiste du pape François.
Non content de signer régulièrement des reportages pour le magazine "L'Illustré", le reporter ajoulot s'est rendu plusieurs fois en Argentine sur les traces de ce pape hors norme qui fascine toute la planète. Là-bas il a rencontré des membres de sa famille, son cercle d'amis, des commerçants ou son médecin chinois... Des témoignages qu'Arnaud Bédat va compiler avec talent dans un ouvrage aussi étonnant que passionnant: "François l'Argentin - Le pape intime raconté par ses proches". Dès sa publication, en mai 2014, ce livre est devenu un véritable succès éditorial traduit en plusieurs langues.
Depuis, le journaliste bruntrutain a enchaîné les conférences et les reportages en lien avec ce pape qui semble avoir conquis son cœur...
Cette année, l'intérêt d'Arnaud Bédat pour le pape François s'est encore intensifié. Ainsi, début mai au Vatican, l'Ajoulot était présent lorsque le président de la Confédération a fait "l'Ajoie" du pape: accompagné par François Lachat, Johann Schneider-Ammann a offert à François une ancienne gravure de Porrentruy. Fin juin, Arnaud Bédat révèle sur sa page Facebook qu'il est dans l'avion du souverain pontife: du 24 au 26 juin 2016, il a accompagné le pape François lors de son voyage en Arménie. C'était la première fois qu'un média suisse montait dans l’avion du pape François !
Non content d'avoir offert l'une de ses photos pour illustrer la une de notre périodique (lebulletin.ch n° 95 !), Arnaud Bédat a accepté de partager "ses aventures vaticanes" avec les internautes du site du Jura pastoral en offrant notamment de nombreuses photos et vidéos inédites en prime...
Habemus Papam !
Rome, le 13 mars 2013 : François succède à Benoît XVI
Le pape Benoît XVI ayant annoncé le 11 février 2013 sa renonciation, un conclave est convoqué à partir du 12 mars 2013 pour élire un nouveau pape. Après environ vingt-quatre heures de délibérations et cinq tours de scrutin, Jorge Mario Bergoglio est élu le 13 mars 2013 au soir comme l'annonce la traditionnelle fumée blanche qui apparaît à 19h06, confirmée peu après par la sonnerie, à toute volée, des six cloches de la basilique.
Le pape raconté par ses proches
14 mai 2014 : un succès éditorial !
Dès sa parution, le livre « François l’Argentin » s’est hissé au sommet des meilleures ventes en librairie. Signé par Arnaud Bédat, cet ouvrage nous révèle la vie de Jorge Mario Bergoglio jusqu'au soir du 13 mars 2013 où, au Vatican, le cardinal Bergoglio est devenu le pape François.
Le reporter ajoulot, célèbre pour ses enquêtes (L’Illustré, Paris-Match, VSD, etc.), s’est rendu en Amérique latine où, durant des semaines, il a rencontré les proches de l’archevêque de Buenos Aires, dont sa sœur, ses neveux, son marchand de journaux, son cordonnier, son médecin chinois ou sa pédicure. A travers d’innombrables anecdotes et de nombreux témoignages, Arnaud Bédat nous révèle toutes les facettes - résolument humaines et humanistes - de ce pape hors norme qui semble pouvoir tout changer. Arnaud Bédat se dit non croyant, mais se plaît à répéter que « ce pape François donne envie d’y croire ».
François l'Argentin en cadeau
Le 6 août 2014 : le pape reçoit "son" livre
C'était mercredi 6 août 2014 au Vatican : quand François l'Argentin reçoit "François l'Argentin" des mains de son auteur...
Arnaud Bédat "raconte" son livre à Delémont
28 mai 2015 : « Tout le monde tombe amoureux du pape »
Le 28 mai 2015, Arnaud Bédat était l’invité du Centre Saint-François où il a raconter comment il avait vécu, à Rome, au soir du 13 mars 2013, l’installation du cardinal Jorge Bergoglio sur le siège pontifical et ce qui l’a conduit à écrire « François l’Argentin ».
Durant son exposé, le journaliste ajoulot a maintenu qu’il était agnostique, mais, comme tous ceux qui ont approché ce pape hors normes, il est de toute évidence tombé amoureux de François.
« C’est vrai, il donne envie d’y croire. François, c’est le bon personnage au bon endroit au bon moment. Je pense que ce sera le premier pape à qui l’on attribuera le prix Nobel de la paix. Je tiens les paris ! »
Cliquez ici pour lire l'article sur la conférence d'Arnaud Bédat au Centre Saint-François
Le président de la Confédération reçu par le pape
Le 7 mai 2016 : Arnaud Bédat dans les appartements pontificaux
Le président de la Confédération, Johann Schneider-Ammann, accompagné par l'ancien ministre jurassien François Lachat, a été reçu le samedi 7 mai 2016 par le pape François dans ses appartements pontificaux. Envoyé spécial du magazine L'Illustré, Arnaud Bédat a pu vivre ces moments exceptionnels à leurs côtés.
Ci-dessous l'article signé par Arnaud Bédat, publié dans l'hebdomadaire L'Illustré - n° 19 du 11 mai - et la vidéo et les photos extraites de son smartphone, dont l'une a fait la couverture de lebulletin.ch n°95.
L'intégralité du texte "Les dessous d’une visite présidentielle"
Le président de la Confédération, Johann Schneider-Ammann, a été reçu samedi dernier par le pape François dans ses appartements pontificaux. Notre envoyé spécial a pu vivre ces moments exceptionnels à leurs côtés.
Mieux que le Kremlin à Moscou ou la Maison Blanche à Washington? Pour des millions de croyants à travers le monde, se retrouver au cœur du Vatican, c’est le saint des saints, un peu comme quelque chose qui ressemblerait au Graal. Un honneur rare qu’a pu vivre samedi dernier, à 10 heures du matin, sous un soleil printanier, le président de la Confédération, Johann Schneider-Ammann, accompagné d’une délégation réduite de dix personnes, parmi lesquelles la conseillère nationale Ada Marra et l’ancien ministre François Lachat, un des pères fondateurs du canton du Jura.
Mais pénétrer dans les appartements privés du pape dans le Palais apostolique, au coeur du Vatican, c’est aussi un voyage dans la patine des siècles, où se côtoient les ombres de Michel-Ange, de Farnèse, des Borgia et de Raphaël. Et une odyssée dans les images du passé, les souvenirs des photos jaunies de notre enfance, des centaines de chefs d’Etat ayant emprunté le même chemin au cours de l’histoire, de Kennedy à de Gaulle, de Gorbatchev à Castro, ou, plus récemment, de Poutine à Sarkozy, d’Obama à Merkel.
Accueilli par «Bel Giorgio»
Une Mercedes qui s’arrête dans la cour Saint-Damase, un tapis rouge, une haie d’honneur de gardes suisses au garde-à-vous. C’est «Bel Giorgio», comme le surnomment les Italiens, l’incontournable Mgr Gänswein, préfet de la Maison pontificale, secrétaire personnel du pape Benoît XVI et très proche de François, qui accueille chaleureusement le président suisse – ils parlent la même langue – et ils pénètrent ensemble dans le palais. Programmée et réglée par la Maison pontificale, la mécanique est toujours parfaitement huilée.
Les nobles sediari (anciens porteurs) et «gentilshommes de Sa Sainteté» (titre aboli par le pape François, mais toujours utilisé ici dans le langage quotidien) en habits noirs et frac, triple chaîne d’or pontificale avec médaillons autour du cou, bardés de décorations, forment l’escorte dans le sanctuaire. Pour parvenir jusqu’au Saint-Père, protocole oblige, il faut d’abord prendre un vieil ascenseur un peu grinçant tout de bois précieux, veillé à l’intérieur de la cabine par un médaillon de saint Christophe, monter jusqu’au deuxième étage, puis traverser toutes les pièces de l’appartement privé du pape – sauf celle du Consistoire – soit onze salles d’apparat, rénovées sous Paul VI puis sous Jean-Paul II. Un véritable labyrinthe, en fer à cheval, partant des loges surplombant la cour Saint-Damase, puis tournant autour de la cour Sixte-Quint, mais aussi un parcours très solennel: salle Clémentine, salle du Consistoire, salle des sediari, salle du Suisse, salle d’angle dite «des sculpteurs», salle des tapisseries, salle Urbain VIII dite «des peintres», salle du trône, salle des ambassadeurs, salle des papes, salle Saint-Jean et, enfin, la salle du petit trône. C’est là que le pape accueille et salue Johann Schneider-Ammann, qui paraît un instant intimidé, d’une franche poignée de main, avant d’entrer avec lui dans sa bibliothèque privée. Le visage du pape est serein, sans trace de fatigue, il semble heureux d’être là et de vivre ce moment avec le chef de l’Etat qui représente aussi la plus petite armée du monde, veillant en permanence sur sa sécurité. L’anniversaire de la Garde suisse vient d’ailleurs d’être célébré la veille avec faste, sous ses fenêtres.
Vingt minutes en tête à tête
«Cela fait cinq siècles que des délégations comme la nôtre passent sur ce marbre, sous ces fresques, et cinq siècles aussi que des gardes suisses les escortent avec ces hallebardes», murmure l’ambassadeur de Suisse auprès du Saint-Siège, le Valaisan Pierre-Yves Fux, le regard luisant. «Embedded» également dans cette visite exceptionnelle, le visage le plus connu de la RTS, Darius Rochebin, ne boude pas non plus son plaisir: «Quand même, patienter sous un plafond peint par Raphaël, ça change tout, souritil, on vit des scènes des siècles passés.» Derrière la porte-paroi en bois précieux, les deux chefs d’Etat commencent à parler, loin des regards et des oreilles indiscrètes. Un entretien qui durera une vingtaine de minutes et marquera durablement le président de la Confédération. Respect papal oblige, il est strictement interdit de croiser les jambes lorsqu’on est au bureau face au souverain pontife – ce que fit naguère Giscard d’Estaing, qui ne le savait pas – ou de s’asseoir avant lui sur le fauteuil de cuir blanc – ce que fit récemment encore un certain François Hollande…
Mais le bon pape argentin, c’est désormais connu, rompant régulièrement avec les traditions, ne se formalise pas de ce genre de détails. Il est même permis de penser qu’il doit plutôt s’en amuser.
«Un joli moment de «suissitude»
A l’issue du tête-à-tête privé, où l’on a parlé éducation, migration, politique d’accueil et d’intégration, mais aussi de la situation de l’Afrique subsaharienne et des conflits au Moyen-Orient, «mais tout ce qui est dit dans ce bureau n’est bien sûr pas toujours révélé ensuite», précisera un cardinal avec une certaine gourmandise, Johann Schneider-Ammann présente un à un au Saint-Père les membres de sa délégation, parmi lesquels trois Romands. «Un joli moment de «suissitude», sourira Darius Rochebin en assistant à la scène, découvrant la délégation présidentielle composée de personnes de toutes tendances qui représentent bien la Suisse dans ses couleurs politiques, mais aussi dans sa complexité géographique. Chacun recevra en souvenir des mains de François l’Argentin une médaille en bronze du pontificat. «J’étais consciente de vivre un moment exceptionnel, mais je suis un peu frustrée de n’avoir parlé avec le pape que quelques secondes», dira plus tard la conseillère nationale Ada Marra. Même petit regret chez quelques membres de la délégation qui tous avaient prévu de dire quelque chose au pape, mais ont perdu un peu leurs moyens face au saint homme. Mais l’ancien ministre et conseiller national jurassien François Lachat, lui, dominant son émotion et son trac, n’a cette fois pas pleuré comme lors de sa première rencontre avec lui. «Je m’appelle François, comme vous, et je viens de Porrentruy, dans les périphéries de la Suisse», lui lance-t-il droit dans les yeux, provoquant un bel et franc éclat de rire, l’ancien cardinal de Buenos Aires ayant placé les fondements de son pontificat «dans les périphéries géographiques mais aussi existentielles» où il faut «porter l’Evangile».
Deux cadeaux forts de symboles
Peu avant de prendre congé, la traditionnelle remise des cadeaux donne lieu à des moments savoureux, le regard du Saint-Père s’attardant en particulier sur deux objets: une reproduction du Sachsler Meditationstuch de saint Nicolas de Flüe, le saint patron de la Suisse canonisé par Pie XII dont on célébrera les 600 ans de la naissance en 2017, mais aussi une gravure originale de Merian datant de 1643, représentant la ville de Porrentruy, ancienne cité jésuite, aux confins de la Suisse, par laquelle arrivaient de nombreux réfugiés, notamment durant la Seconde Guerre mondiale. Deux présents forts de messages et de symboles auxquels le pape François semble avoir été sensible.
Johann Schneider-Ammann, lui, a bien entendu renouvelé l’invitation du Conseil fédéral à venir visiter notre pays. «Il côtoie déjà des Suisses tous les jours!» plaisantera un membre de son entourage. Mais peut-être est-ce aussi une bonne raison de le décider à y venir une fois dans les mois ou années à venir. En bon jésuite, le pape connaît la force des gestes.
Arnaud Bédat
L'article tel qu'il a été publié dans L'Illustré n°19
Des photos inédites
Le pape François regarde Porrentruy
Arnaud Bédat s'envole avec le pape François
24 juin 2016 : entre Rome et Erevan
Fin juin, Arnaud Bédat révèle sur sa page Facebook qu'il est dans l'avion du souverain pontife: du 24 au 26 juin 2016, il a accompagné le pape François lors de son voyage en Arménie. C'était la première fois qu'un média suisse montait dans l’avion du pape François !
Ci-dessous l'article signé par Arnaud Bédat, publié dans l'hebdomadaire L'Illustré - n° 26 du 29 juin - et les photos extraites du smartphone du journaliste de Porrentruy.
L'intégralité du texte "Dans l’avion avec le pape"
Pour la première fois, un média suisse a pu monter dans l’avion du pape François. Notre journaliste Arnaud Bédat raconte ces instants privilégiés passés avec le Saint-Père lors de sa visite en Arménie.
«Saint-Père, puis-je vous offrir L’illustré, le journal pour lequel je travaille?» Ses yeux s’attardent plusieurs secondes sur la couverture de notre magazine, qui le montre souriant en compagnie de Johann Schneider-Ammann, le 7 mai dernier, dans la bibliothèque du palais pontifical au Vatican: «Oh, le président de la Suisse, dit-il avec un petit air malicieux, oui, oui, je m’en souviens.» Son visage est serein et il vous fixe profondément, avec bonté. Le pape François prend son temps, avec chacun, répond aux questions, bénit les photos de famille de certains correspondants italiens, accepte les lettres qu’on lui remet, signe même quelques autographes à ceux qui lui en font la demande, sur un livre, sur une photo ou sur le programme de sa visite en Arménie qui va bientôt commencer, après un trajet de 2895 kilomètres et trois bonnes heures de vol.
Nous sommes à 11 000 mètres d’altitude entre Rome et Erevan, la capitale de l’Arménie, où François l’Argentin effectue son 14e voyage apostolique en dehors de Rome depuis son élection, le 13 mars 2013. Etre à bord de l’Airbus A321 d’Alitalia, parmi la petite soixantaine de journalistes et photographes du monde entier, tient à la fois du privilège et, il faut bien l’avouer, un peu du miracle. Le saint des saints, le graal de la profession, the place to be où tout reporter rêve d’être au moins une fois dans sa vie, ça se prépare longtemps à l’avance et il a fallu, bien sûr, s’armer de patience et faire preuve de ténacité. Les places sont rares, convoitées, et à chaque voyage l’essentiel de l’avion est occupé par des vaticanistes bien connus, quasiment «abonnés à vie» à chaque déplacement pontifical. Pour les nouveaux venus, le Vatican accorde les sésames au compte-goutte. Etre le nouvel élu du «club Pontifex Platinium», si l’on ose dire, est un honneur qui se mérite. Mais c’est aussi un peu un baptême du feu.
Journalistes, ces pauvres pécheurs…
Car faire partie de la petite famille du volo papale, c’est pénétrer dans un univers un peu hors du temps, avec ses codes, où il faut veiller à bien respecter les règles et les usages, toujours non dits et jamais écrits – en dehors de l’engagement formel, que l’on doit signer, de respecter les embargos sur les discours, homélies et allocutions du pape, textes traduits en plusieurs langues et remis quelques heures à l’avance. Une espèce de cocon aussi, avec sa chaleur apaisante, son apparente décontraction, entre colonie de vacances sélecte et clan très fermé où chacun tient à garder ses privilèges. Un théâtre feutré, aussi, où chacun joue son rôle, entre ceux qui arrivent et ceux qui vont partir (dernier vol du distingué Jean-Louis de La Vaissière, de l’AFP, à la plume magnifique, en fin de mandat), avec son cortège de personnalités diverses (du sympathique vieux journaliste russe de l’agence Tass, habitué de la ligne aérienne papale, à la charmante correspondante de CNN au Vatican, toute nouvelle en poste, il y a quand même un petit fossé), ses généreux coups de main entre collègues, tuyaux qu’on se refile et bons plans en tous genres et parfois, bien sûr, ses petites mesquineries et trahisons. Car les journalistes sont aussi, bien entendu, des pécheurs. «Il va faire très froid en Arménie», dit un rédacteur à un autre. «Tu es sûr? Moi j’ai vu plutôt qu’il faisait très chaud.» Moment de flottement assez vite dissipé: sur la météo de son iPhone, il a en fait confondu avec… Armenia, en Colombie! Eclat de rire dans la travée.
Moindres faits et gestes scrutés
Etre embedded à bord du vol spécial d’Alitalia, portant toujours le numéro AZ4000 à l’aller et AZ4001 au retour, c’est l’assurance d’être toujours au plus près du pape et de son entourage immédiat: évêques et archevêques, dont le fin et espiègle Angelo Becciu, le numéro 3 bis, si l’on ose dire, de l’appareil d’Etat du Saint-Siège, l’incontournable majordome Pierluigi Zanetti, toujours à côté du pape, dont il arrive à décoder chaque frémissement de sourcils. Et bien sûr sa sécurité personnelle, parmi lesquels deux gardes suisses, dont le vice-commandant fribourgeois Philippe Morard, qui assure régulièrement sa protection rapprochée durant les différentes étapes qui parsèment chacun de ses déplacements. Dans l’avion, le pape s’assied invariablement au premier rang, presque comme un passager ordinaire.
Arrivé sur place, chaque média ne peut participer à tout. La règle d’or, être toujours au maximum d’endroits possibles. Il y a les «pools», qui se négocient. Certains événements ont un nombre de places limité: il faut donc attendre et espérer être sélectionné selon le bon vouloir de la Sala Stampa della Santa Sede (la salle de presse du Saint-Siège), dirigée par l’affable père Lombardi, un ecclésiastique polyglotte tout en rondeur, à la dialectique très jésuitique et à l’entregent consommé. Dûment badgés – non seulement les personnes mais aussi les bagages acheminés directement dans les chambres d’hôtel – les deux précieux sésames (le «local», en arménien, et celui du Saint-Siège), à ne jamais égarer, donnent un accès singulier et unique à la figure spirituelle la plus aimée et la plus puissante du monde. On voit le pape vivre, on l’entend presque respirer. Ses moindres faits et gestes peuvent être scrutés, analysés. Et, au final, à l’observer sans relâche, on a confirmation de bien retrouver cette bonté, cette profondeur spirituelle et cette malice qui caractérisaient déjà l’ancien archevêque de Buenos Aires. Il est resté ce qu’il était, attentif aux uns et aux autres, apportant réponses et réconfort, capable aussi d’être séduit ou agacé par un détail, de trancher dans le vif, et de laisser parfois spontanément échapper de petites phrases, de manière presque intuitive, mais toujours mûrement réfléchies.
«Génocide», le mot tant attendu
Comme à chacune de ses apparitions, durant cette visite de trois jours dans cette région du Caucase du Sud minée par les tensions et nourrie de conflits irrésolus – le Haut-Karabagh, territoire attribué en 1923 à l’Azerbaïdjan mais revendiqué et occupé aujourd’hui par l’Arménie, est l’objet d’incessants combats –, le pape François a créé l’événement. Son service de sécurité a parfois dû batailler un peu avec les pandores locaux qui l’empêchaient de s’approcher des chrétiens. Pour cette première visite en Arménie, pays fier d’avoir fait du christianisme sa religion d’Etat en 301, mais qui se retrouve aujourd’hui enclavé entre les puissances musulmanes turque et iranienne, le souverain pontife, en homme de paix, n’a pas failli à sa mission. Il a appelé Arméniens et Turcs à faire la paix, mais il a dénoncé aussi la corruption et les inégalités sociales qui minent cette ancienne république d’URSS. A la surprise générale, déjouant les pronostics, il a prononcé le mot «génocide», qui ne figurait pas dans le document originel, lors d’un discours au palais présidentiel devant les autorités et le corps diplomatique. En salle de presse, de nombreux journalistes laissent échapper leur joie et applaudissent.
Lâcher de colombes
Au retour, dimanche en fin d’après-midi, l’avion d’Alitalia attend sur le tarmac de l’aéro-port d’Erevan, avec vue imprenable sur le mont Ararat aux cimes enneigées. Décollage prévu à 18 h 30 locales. Alors que le pape est encore non loin de là, à Khor Virap, monastère situé à quelques centaines de mètres de la frontière turque, pour visiter l’un des lieux les plus sacrés de l’Arménie et lâcher deux colombes, symboles de paix, avec le catholicos Karékine II, tous les journalistes pénètrent à bord de l’A321 dans un désordre finalement bien organisé. «Il faut toujours se battre un peu pour avoir les bonnes places», explique un envoyé spécial, au pied de la passerelle. A moitié vrai ou à moitié faux: la grande majorité des journalistes d’agences ou de news préfèrent en fait s’installer dans le fond de l’avion plutôt que de se retrouver devant, trop près du pape, pour rédiger plus tranquillement, rivés sur leur ordinateur, les «papiers» qui pourront être envoyés dès l’atterrissage à Rome.
Le Brexit, les gays…
Car le moment le plus attendu, c’est évidemment la traditionnelle conférence de presse donnée par le pape François, généralement prometteuse de déclarations fortes. Elles ne manqueront pas et feront quelques heures plus tard le tour du monde. A peine fatigué, le Saint-Père prend le micro et délivre son message et ses pensées profondes. Sur l’Europe d’abord: «Les ponts sont meilleurs que les murs. Le pas que l’Union européenne doit franchir, pour retrouver la force qu’elle connut avec ses racines, est un pas de créativité et de «saine désunion». C’est-à-dire donner plus d’indépendance, donner plus de liberté aux pays de l’Union européenne, penser une nouvelle forme de l’union.» Sur les gays ensuite: «Qui sommes-nous pour les juger? Je pense que l’Eglise doit présenter ses excuses aux personnes gays qu’elle a offensées, mais elle doit aussi présenter ses excuses aux pauvres, aux femmes délaissées, aux jeunes sans travail, et pour avoir béni tant d’armes. L’Eglise doit présenter ses excuses, disons les chrétiens, car l’Eglise est sainte et les pécheurs, c’est nous!» Sur Benoît XVI également: «C’est une grâce que d’avoir à la maison le sage grand-père. Quand je lui dis cela, il rit! Je n’oublierai jamais le discours qu’il a donné aux cardinaux le 28 février: «Il y a parmi vous mon successeur, je promets obéissance», et il l’a fait. Puis, j’ai entendu dire, mais je ne sais pas si cela est vrai, que quelques-uns sont allés le voir pour se lamenter sur le nouveau pape et il les a chassés! De la meilleure manière, bavaroise, éduquée, mais il les a chassés…» Sur le mot «génocide»: «Je n’ai pas utilisé le mot «génocide» dans un esprit offensant. C’est un fait objectif.»
«Je me souviens de la culture de Buenos Aires quand j’étais enfant, la culture catholique fermée, j’en viens…», dira-t-il encore, évoquant la rigidité passée de l’Eglise face aux exclus et aux différences. A plusieurs reprises, il émaillera son discours d’allusions à sa terre natale, notamment en parlant du génocide arménien, «reliant cela avec mon passé argentin», et la vision qu’il en avait alors. Comme si, après trois ans de pontificat et à bientôt 80 ans – il les fêtera en décembre – il ressentait un manque et de la nostalgie. Un peu comme si une visite se rapprochait enfin, inexorablement…
Arnaud Bédat
Conférence de presse en plein ciel
Le pape François dans l'avion qui le ramène d'Arménie
Bientôt dans toutes les bonnes libraires d'Hanoï et de Saïgon : le livre "François l'Argentin" traduit en vietnamien...
Un week-end dans le Caucase avec le pape François
Du 30 septembre au 2 octobre 2016
Du 30 septembre au 2 octobre, pour son 16e voyage apostolique, le pape François s’est rendu à Tbilissi, capitale de la Géorgie, puis à Bakou, en Azerbaïdjan. Le journaliste jurassien Arnaud Bédat était du voyage et nous offre ses photos...
L’avion papal, un airbus de la compagnie aérienne Alitalia, a décollé de l’aéroport romain de Fiumicino dans la matinée du vendredi 30 septembre. Comme lors de tous ses déplacements le pape François était accompagné de plusieurs cardinaux, dont Mgr Kurt Korch, d’un staff de collaborateurs, d’une escorte de sécurité et d’un groupe de journalistes, dont Arnaud Bédat.
Dans l'avion papal en vol pour la Géorgie, qu'est-ce que Arnaud Bédat a dit au pape François pour le faire rire aux éclats ? (Photo Osservatore Romano)
Le voyage du pape en Géorgie et en Azerbaïdjan s’est déroulé sur deux jours et demi. En Géorgie, pays à majorité orthodoxe, il a encouragé l’unité des chrétiens et a prêcher la paix dans un pays encore troublé par le conflit de 2008.
Le samedi 1er octobre, le pape a célébré une grande messe au stade Meskhi de Tbilissi, puis il s’est rendu à la cathédrale orthodoxe de Mtsketa, centre spirituel de l’orthodoxie géorgienne.
La deuxième étape de ce voyage s’est déroulée à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, où le souverain pontife a rencontré les autorités du pays… dont Guiorgui Margvelachvili, le président de la République.
Pour Arnaud Bédat c’était le deuxième voyage « officiel » avec le pape et, comme il l’a fait lors de son périple à Rome en mai ou en Arménie en juin dernier… le reporter ajoulot offre au site du Jura pastoral les clichés qu’il a fait avec son smartphone… MERCI à lui
Voir la page qui rassemble toute la saga d’Arnaud Bédat sur les traces du pape François.
Le pape François à Tbilissi, capitale de la Géorgie
Le pape François à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan
La médaille éditée à l'occasion du voyage de pape François dans le Caucase
Cette médaille a été offerte à tous ceux qui ont participé au voyage
A suivre...
...