Le sacrement des malades : précarité et liberté
À l'occasion de la Journée mondiale du malade, Mgr Albert Rouet, archevêque de Poitiers, nous propose une réflexion sur le sacrement des malades.
Un sacrement qui n'est pas réservé aux derniers moments de la vie comme le laissait entendre l'expression « extrême-onction », mais qui s'adresse aux personnes particulièrement atteintes par la maladie ou la vieillesse.
Au sujet de la Création, il n'est écrit nulle part dans la Bible que la Création fut parfaite. Elle est dite bonne, c'est déjà beaucoup. Si la Création était parfaite au départ nous n'aurions plus qu'à la subir. L'exercice de notre liberté serait réduit à l'acceptation pure et simple d'un idéal auquel nous n'aurions point participé. Pour un être libre, la perfection est à la fois donnée et accomplie par sa liberté. C'est tout le passage de l'homme image de Dieu à la ressemblance de Dieu, d'une Création bonne à l'état du Royaume qui, lui, sera parfait. L'histoire est le lieu où nous collaborons, par grâce, à la venue du Royaume.
La vulnérabilité m'apprend la confiance
Dieu nous a créés. Nous ne sommes pas Dieu. Notre être reste marqué par la non-nécessité. Je pourrais ne pas être et la face du monde n’en serait pas perturbée. Au plus profond de moi, il y a cette précarité, cette non-nécessité, qui conditionne ma vie. Essentiellement, je ne suis pas déterminé à être.
Au point de départ, la précarité est inscrite dans mon corps. Je grandis, je vieillis, je décline et je meurs. Mon corps est l’endroit où ma finitude est inscrite, où je la constate ne serait-ce que par mon vieillissement, ma fatigue, la maladie, ma vulnérabilité… Ce corps vulnérable devient l’endroit d’un choix
- Ou bien, au contraire, je vais refuser par résignation ou par révolte cette précarité. À ce moment-là, l’absurde de la vie s’empare de moi pour soulever en moi le rejet de la foi.
C’est pourquoi le moment du face-à-face avec la mort, le moment de la maladie grave, est un moment dangereux pour la foi.
Comment vais-je réagir ? Il ne s’agit pas d’avoir peur ou de ne pas avoir peur. La peur est un sentiment qui se commande mal. On peut faire confiance et avoir peur. Il s’agit d’autre chose de plus profond que la peur ou l’angoisse : au moment où je touche ma précarité, ma vulnérabilité, est-ce que je vais être capable, dans un sursaut, de faire confiance à Dieu ? Nous ne pouvons pas le dire tout seul. Si nous le disons tout seul, ce serait peut-être encore un dernier acte de gloriole. C’est pourquoi il faut que le Christ, qui a connu notre précarité, notre vulnérabilité, notre non-nécessité humaine, vienne en nous, nous donner son acte d’offrande.
Mgr Albert Rouet
Archevêque de Poitiers
Article paru dans Catholiques en France, n°13 - Février 2006
Le sacrement à la lumière de la Bible
Tout l’Evangile nous raconte comment Jésus éprouva une compassion particulière à l’égard des malades. Il inventa des gestes de salut pour les réconforter et parfois les guérir. C’est pourquoi les malades et leurs proches, pleins de foi et d’espérance, cherchaient à le rencontrer. L’Eglise, à la suite des apôtres, a retenu cette attitude de Jésus comme une invitation à signifier particulièrement l’amour du Christ par un sacrement destiné aux malades. Par la prière, par l’imposition des mains et par l’onction d’une huile consacrée, le prêtre demande au Seigneur de fortifier le malade dans son épreuve et de le guérir –non sans compter sur la médecine- si c’est pour son bien. C’est de la sorte une étape importante de la vie humaine sur cette terre qui est sanctifiée et transfigurée, car la perspective du Royaume peut et doit illuminer les étapes, parfois douloureuses, qui y conduisent.
L'esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction
Il m'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté, annoncer une année de bienfaits, accordée par le Seigneur, et un jour de revanche pour notre Dieu.
Alors, tous ceux qui pleurent, je les consolerai.
Au lieu de la cendre de pénitence, je mettrai sur leur tête le diadème ; ils étaient en deuil, je les parfumerai avec l'huile de joie ; ils étaient dans le désespoir, je leur donnerai des habits de fête.
Epître de saint Jacques (Jacq 5, 14-15)
Dans l'épreuve, le chrétien fait appel à son Seigneur, mais il peut aussi compter sur l'intercession de ses frères. Les anciens de l'Eglise sont invités à pratiquer une prière communautaire, accompagnée du signe de l'onction d'huile.
Cette prière inspirée par la foi sauvera le malade : le Seigneur le relèvera et, s'il a commis des péchés, il recevra le pardon
Extraits du Rituel du sacrement pour les malades
La communauté chrétienne et les malades
Par ailleurs, lorsqu'elle célèbre le sacrement des malades, la communauté chrétienne est appelée à reconnaître le vrai visage de Dieu qui s'est révélé à l'homme en devenant solidaire de lui jusque dans la souffrance. En même temps, elle est invitée aussi à réaliser dans ses comportements ce qu'elle annonce dans les sacrements qu'elle célèbre : attention aux malades, accueil par la communauté, partage de la souffrance et de l'espérance ouverte en Jésus Christ etc.
« Pour accomplir la loi du Christ » les chrétiens ont aussi à « porter les fardeaux les uns des autres » (Ga 6 2) A ce titre en particulier, ils se veulent solidaires des efforts entrepris par la société pour alléger le fardeau de la maladie et favoriser la santé. Aussi les communautés chrétiennes ont-elles le souci de s'interroger sur leurs propres comportements. Comment les chrétiens agissent-ils individuellement et collectivement à l'égard des malades? Quelles sont leurs attitudes au regard de la prévention, de la sécurité, des services sanitaires et sociaux ? Quelle est leur part d'engagement civique ou caritatif en faveur du bien-être et de la santé?
Auprès des malades, la famille, l'entourage et le personnel soignant, selon les cas, ont un rôle privilégié. Il peut s'exercer de multiples façons selon leurs possibilités et les situations. Trois formes d'aide fraternelle sont particulièrement importantes :
- vivre avec le malade, reconnaître les implications personnelles et familiales de sa maladie. Cette attitude d'attention bienveillante visera à comprendre, aimer, redonner confiance, soutenir l'espérance;
- susciter des liens entre le malade et ceux qui peuvent favoriser son épanouissement (prêtres sans doute, mais aussi personnes et mouvements), qui peuvent soutenir son courage et l'aider à conserver ou acquérir une part active et appropriée dans la vie de la société et de l'Eglise;
- soutenir la foi du malade, en acceptant de dialoguer librement sur les réalités de sa vie, en partageant éventuellement avec lui la Parole de Dieu, en lui facilitant la prière et l'accès aux sacrements ; par exemple en favorisant ses déplacements vers l'église ou en lui assurant à domicile le partage de la Parole et de l'Eucharistie dominicale...
On n'oubliera pas le réconfort que le sacrement de l'Onction peut apporter à un chrétien soucieux d'assumer dans la foi une vie gravement contrariée par la maladie ou l'infirmité.
Les prêtres, d'autre part, se souviendront que leur charge leur fait un devoir de visiter les malades et de leur apporter soutien. Mais pour assurer la continuité de cette action, ils auront soin de susciter dans la communauté chrétienne l'attention et l'initiative désirables.
De même, dans le respect de la discrétion, un lien entre aumôniers d'hôpitaux et prêtres de paroisses facilitera une plus grande compréhension des situations et une meilleure adaptation de l'action pastorale.
Il est encore de la responsabilité des ministres et des chrétiens d'aider les malades dans leur démarche de foi : par exemple, ils inviteront les croyants à faire appel à leur foi chrétienne, ou ils sauront éveiller les autres à la foi en fonction de leur situation concrète.
C'est en effet au cœur d'un cheminement des personnes et dans une démarche de foi que les sacrements prennent toute leur signification et sont à proposer. Ils appellent normalement une catéchèse adaptée et progressive, ainsi qu'une préparation des personnes. Dans la préparation comme dans la célébration, on aura le souci de manifester le caractère communautaire des sacrements. Dans cette perspective, on fera découvrir l'importance des sacrements de la foi, mais on évitera aussi de majorer, par zèle intempestif, l'obligation de recevoir un sacrement.
Dans tout ce dialogue pastoral, le ministre et les chrétiens auront le respect du malade, de son histoire et de la liberté religieuse. Ceci est particulièrement important en raison de l'état de dépendance de celui qui est malade.
La rencontre gratuite, de personne à personne, est pour les malades, un lieu de dialogue et d'amitié, un moyen d'insertion sociale, voire un temps de réflexion sur leur vie et de rencontre avec Dieu.
2. La communion des malades
Le malade est empêché de participer à l'assemblée eucharistique. Celle-ci, en la personne du prêtre ou de laïcs, vient jusqu'à lui pour lui apporter le réconfort de la Parole proclamée dans l'Assemblée et du Pain qui fait vivre.
3. L'Onction des malades
A ceux qui sont atteints sérieusement par l'âge ou la maladie, un nouveau signe d'espérance est proposé : l'imposition des mains et l'Onction des malades, qu'accompagne la prière de la foi, exprimée par toute l'assemblée Quand il est accueilli dans la foi de l'Eglise, ce signe est puissance de réconfort, soutien dans l'épreuve et ferment pour triompher de la maladie si Dieu le veut.
4. Le Viatique
Quand l'heure vient pour le chrétien de passer de ce monde au Père, les chrétiens entourent leur frère et prient avec lui. Pour ce passage, ils lui offrent le Pain de la Vie, Celui qui « a vaincu la mort et fait briller la vie ».
5. La recommandation des mourants
A celui qui arrive aux dernières heures de sa vie terrestre, un dernier témoignage d'amour est donné : celui d'une présence fraternelle, celui d'une prière confiante en la miséricorde de Dieu.